« Les Enchantements » de Clémence Attar, Louna Billa et le collectif STP, une langue poétique pour soulever le monde
Clémence Attar, Louna Billa et le collectif [...]
Cette saison, le public du Théâtre du Rond-Point a l’occasion de découvrir trois créations du Munstrum Théâtre : Les Possédés d’Illfurth, Le Mariage forcé et 40° sous zéro, qui assemble deux pièces de Copi : L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1971) et Les quatre Jumelles (1973). Un théâtre performatif très original, de haute tenue.
Quelle folie ! Quelle démesure ! Et quel talent ! Mettre en scène Copi aujourd’hui est un pari difficile, relevé par le Munstrum Théâtre avec maestria et jubilation. Tous ensemble, ils parviennent à une forme singulière de dépassement du texte grâce à un alliage énergique condensant tous les artifices du théâtre. Comme une sorte de transe joyeuse malgré la mainmise de pulsions dévastatrices et meurtrières. Le jeu et les corps dans l’espace font naître une multitude de situations loufoques qui s’enchaînent sans relâche, créant une partition vertigineuse où le sens, délesté de ses habituels attributs cartésiens, s’aventure dans des zones indéterminées, archaïques et brutes. Ce qui frappe aussi dans cette mise en scène, c’est une manière ténue et vive de faire surgir des moments de vérité au cœur de cette extravagance. L’image inaugurale superbe donne le la. Silhouette imposante, un personnage monstrueux et grandiose (François Praud) chante a capella Girls just want to have fun de Cyndi Lauper. Un appel joyeux à la liberté. À l’image de la longue robe-couverture patchwork qui habille certains, Christian Lacroix mêle les époques et les styles dans ses costumes. D’impressionnantes coiffes les accompagnent, conçues par Véronique Soulier-Nguyen.
Ici les morts se relèvent
Comme toujours dans le travail de cette compagnie, des masques comme une seconde peau accentuent l’étrangeté des êtres, la perte d’identité, créant au-delà du genre. Les deux pièces ont en commun le froid extrême – la Sibérie pour L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer et l’Alaska pour Les quatre Jumelles – et l’enfermement, signifié par de hauts murs qui s’effaceront pour rendre visibles la cage de scène et un rideau de théâtre bancal, déglingué, mais toujours là. La mise en scène joue de contrastes et tensions entre cruauté et drôlerie, kitsch et sublime. Passionné par le théâtre et la liberté qu’il permet, Copi a dans son univers choisi un rapprochement transgressif assemblant le rire et la mort. Dans un monde post-dramatique déchiré par toutes sortes de conflits, le corps est un terrain d’affrontements. Parfois affublés d’étranges prothèses, avec à leurs pieds geta japonaise, chaussures de ski, cothurnes queer, patins à glace ou chaussures des années 1950, les comédiens – Louis Arene, Lionel Lingelser, Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Alexandre Éthève et François Praud – impressionnent par la vivacité, la précision et l’énergie physique de leur jeu. Invité sur la scène, le Paradis blanc de Michel Berger télescope un cauchemar rougi d’hémoglobines. Mais un cauchemar étonnamment joyeux, empli d’un furieux désir de vivre.
Agnès Santi
du mardi au vendredi à 20h30, samedi à 19h30.Tél : 01 44 95 98 00. Durée : 1h45. Spectacle vu à La Filature à Mulhouse.
theatredurondpoint.fr
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