Yvonne

Le prince Philippe a choisi la plus insignifiante, la plus laide, la plus stupide de toutes les Bourguignonnes comme fiancée. Installée à la cour, « sa présence apathique donne le vertige et vide l’espace de tout sens ». Le néant d’Yvonne devient un révélateur : tous font apparaître leur vraie nature face à la « Niquedouille ». Yvonne est le miroir des failles de chacun et réveille le monstre qui sommeille en tous. « Réflexion sur le regard humain au travers duquel nul n’échappe et où chacun se constitue », la pièce est aussi un miroir pour le spectateur, qui y découvre son sadisme et sa cruauté.

Mise en abyme spéculaire

La mise en scène de Delphine Bentolila et Nicolas Dandine explicite le drame d’Yvonne, témoin muet de son calvaire, auquel le public assiste silencieusement. La paranoïa des tortionnaires « se propage dans un jeu de miroirs au travers desquels les protagonistes se sentent regardés et jugés, pris entre le regard d’Yvonne et celui du public, lui-même partie prenante et otage de ce qui se joue ». Entre l’apathie d’Yvonne et les passions malines de ses bourreaux, entre le masque social de la cour et l’intériorité épouvantable de ses membres, l’espace de la représentation devient un chaos terrifiant. Le public est « pris en étau dans la mise en scène inversée du plateau », et le quatrième mur aboli transforme les témoins en complices et le théâtre en expérience morale.

Catherine Robert