Variations sur le rire

Claude Monet, Johann Sebastian Bach, et surtout Raymond Queneau ? qui fit de
ses célèbres Exercices de style (1947) l’un des modèles littéraires du
genre ainsi que l’ouvrage précurseur du mouvement OuLiPo, que l’écrivain fonda
en 1960 ? : les sources d’inspirations de ce spectacle lui-même conçu comme un
exercice de style sont manifestes. Jouant du dégradé chromatique, du basculement
subit ou progressif, de l’exploitation appliquée et méthodique de circonstances
de tous les jours, Pierre Trapet se propose de décomposer et d’analyser les
nombreuses possibilités contenues dans un bonjour, une dispute conjugale, un
différent de voisinage, un oubli professionnel ou une chanson populaire. Des
Feuilles mortes (jouées en valse, en cha-cha-cha, par un débutant, à un seul
doigt?) à une séance de claques (délinée sous tous les modes et à travers
diverses conjonctures : au ralenti, en automates, de façon musicale, excessive
ou minimaliste?), Pierre Trapet passe d’un thème à un autre en interrogeant à la
fois la richesse et la cocasserie de nos attitudes.

De « l’?il qui frise » jusqu’à « mourir de rire »

« Qu?est-ce qui est drôle ? Qu?est-ce n?est pas drôle ? ».
L’interprète, auteur et metteur en scène de Variations sur le rire se
pose ces deux questions en bâtissant une représentation comme faite de bric et
de broc, un petit spectacle joyeusement chaotique qui serpente au sein des
innombrables arborescences de notre quotidienneté. Deux chaises face public, une
porte, un clavier de piano, des rideaux à cour et à jardin : le dispositif
scénique de cette succession de saynètes digressives se révèle on ne peut plus
simple. Traversant le plateau d’un rideau à un autre, tricotant l’éternel
recommencement de situations similaires mais toujours dissemblables, Pierre
Trapet ? chef d’orchestre de ces fugues comportementales ? et ses trois
condisciples (Carole Montagner, Cedrick Lanoe et le pianiste Mauro Coceano)
parviennent à convaincre par la netteté de leurs effets et la franche simplicité
avec laquelle ils suivent le cours de leurs exercices. Il y a des hauts et des
bas, chaque réplique ne fait pas mouche, et pourtant ces Variations sur le
rire trouvent immédiatement la voie de leur public. Car elles savent rester
à leur place : celle d’un divertissement gentiment ironique cherchant une forme
d’exigence, laissant apparaître quelques jolis éclats de tendresse et de poésie.

Manuel Piolat Soleymat

Variations sur le rire, spectacle de Pierre Trapet. A partir du 25 avril
2007. Du mardi au samedi à 18h30. Théâtre Le Lucernaire, 53 rue
Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris. Réservations au 01 45 44 57 34.