Six comédiens et six comédiennes pour camper le Père et la Mère Ubu à tour de rôle, ainsi que toutes les autres figures de la pièce, ours et fantômes, courtisans et soldats : les acteurs traversent leurs personnages en changeant d’habits, qu’ils se fabriquent en direct. Un grand dévidoir à papier leur offre le moyen de toutes les inventions : accessoires et costumes insolents, drolatiques et finement suggestifs surgissent des froissements, des pliages et des origamis fantasques de cette troupe à l’inventivité sidérante. Virtuoses des planches, les comédiens de Cluj font preuve d’une énergie intense, et investissent le plateau dans une sarabande éclatante.
Beaucoup de papier et énormément de talent !
Les effets poétiques de la mise en scène élucident l’intrigue alambiquée imaginée par Jarry, et explicitent le récit des déboires du tyranneau amateur d’andouille, de sa monstrueuse femelle, de ses servants et suivants. Alain Timár évoque le « plaisir de s’emparer d’une pièce où souffle un vent de révolte et d’insubordination extrême » : sa mise en scène, qui dynamite les conventions théâtrales, réinvente cette œuvre en transcendant les contraintes surréalistes et absurdes du texte par d’autres contraintes esthétiques et scéniques encore plus farfelues. L’ensemble compose un spectacle ambitieux et très réussi, sans doute une des plus belles propositions du festival.
Catherine Robert
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