Théâtre - Critique

Tournant autour de Galilée

Tournant autour de Galilée - Critique sortie Théâtre


Brecht a donné trois versions de La Vie de Galilée entre 1938 et 1956, transformant le combattant de la raison contre l’Église en criminel social, un personnage divisé dont le drame n’est plus celui du savant aux prises avec le pouvoir mais avec les contradictions entre la raison scientifique et les temps capitalistes. La pièce n’est pas un drame historique, mais une parabole politique car Galilée a coupé la science du peuple pour la livrer aux puissants et à leurs intérêts. Le concepteur Jean-François Peyret, en collaboration avec la physicienne Françoise Balibar et le neurobiologiste Alain Prochiantz, a saisi la balle au bond en pointant les abus de cette maudite passion de la science, capable du pire comme du meilleur, à laquelle on dit la messe. C’est une erreur fatale de s’approprier le livre de la Nature par le seul langage mathématique puisque la lecture émue de nos paysages intérieurs comme celle des monts et des vallées qui parcourent le monde ne saurait se réduire à une formule complexe. Sur la scène éblouissante d’ombres et de lumières de Nicky Rieti, règne un vide splendide à l’intérieur d’une profonde nuit éclairée d’étoiles ; là, les objets élémentaires déclinent sur le plateau de pures figures géométriques, distribuées dans un jeu de perspectives poétiques relatives.

Entre la franche licence et la quête délicate du plaisir, la truie Bibi
La planète vit dans l’immensité interstellaire – rondeurs de la lune et du soleil, du ballon de cirque sur lequel on dérive jusqu’aux pommes rouges symboliques de l’expérimentation physique. La voix de Virginia, la fille de Galilée (Jeanne Balibar) devenue Sœur Marie-Céleste au couvent des clarisses, fait entendre épistolairement à son savant de père le silence du cœur et de l’esprit, des échos significatifs de la suprématie du vide ambiant. En guise de cadeaux, des natures mortes, citrons verts confits et poires que la religieuse réserve au colis paternel. La recherche facétieuse de Peyret n’abandonne jamais l’esthétisme à travers l’expression contemporaine de quatre danseuses pleines de grâce, un rappel du corps en question aux côtés de l’âme. Mais c’était faire trop peu de place à la part sensuelle et voluptueuse de la relation humaine à la vie. Entre la franche licence et la quête délicate du plaisir, la truie Bibi tient noblement son rôle de pourceau d’Épicure, aux côtés d’Olivier Perrier, chercheur de cabinet de travail, un verre à la main, admirant une vue de campagne toscane. Bibi s’amuse, va et vient à l’improviste, reniflant, tournant et retournant bestialement la « pierre à prouver » de Galilée, un pavé authentique de mai 68 qui laisse nostalgique. La saveur de cette pensée sauvage onirique met à nu les contradictions entre l’homme policé et raisonnant avec son indéfectible élan vital incontrôlé. Du pur Peyret insolite.
Véronique Hotte
Tournant autour de Galilée
Spectacle (vu au TNS Strasbourg) de Jean-François Peyret, en collaboration avec Françoise Balibar et Alain Prochiantz, du 27 mars au 18 avril 2008 à L’Odéon-Théâtre de l’Europe Ateliers Berthier 75017 Paris Tél : 01 44 85 40 40 www.theatre-odeon.fr

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