Théâtre - Critique

The Fountainhead

The Fountainhead - Critique sortie Théâtre Paris Odéon – Ateliers Berthier


Odéon – Ateliers Berthier / D’après Ayn Rand / mes Ivo van Hove

Metteur en scène majeur de la scène européenne (quels beaux souvenirs que ses Tragédies romaines d’après Shakespeare à Avignon en 2008, ou que ses adaptations de plusieurs œuvres d’Ingmar Bergman !), Ivo van Hove réussit la prouesse d’être programmé la même saison à la Comédie-Française – avec Les Damnés, qui fit événement cet été à Avignon -, et avec The Fountainhead (La Source vive), créé au Festival d’Avignon en 2014. L’œuvre est une adaptation du roman d’Ayn Rand qui situe l’action dans les années 1920 à New York. Née à Saint-Petersbourg en 1905, Alissa Zinovievna Rosenbaum a émigré aux Etas-Unis en 1926, où elle a américanisé son nom, et son second roman, Atlas Shrugged (La Grève, 1957) ainsi que ses essais l’ont consacrée chantre du capitalisme et de l’individualisme. Cet aspect politique n’est pas le sujet de la pièce, même si cette dimension apparaît, à travers par exemple la question de l’avènement du succès, et du rôle des médias dans sa fabrication possiblement éphémère. (On pense aux cotes du marché contemporain qui laissent parfois songeur…) Ici, surtout, ce qui intéresse le metteur en scène, c’est la création artistique et ses enjeux. La pièce orchestre la confrontation et la rivalité de deux architectes qui ont des conceptions différentes de leur art. L’un, Howard Roark, se fie à lui-même et à lui seul pour créer, sans aucune concession. L’autre, Peter Keating, moins talentueux, est disposé à se mettre à l’écoute du public et de ses clients.

 L’art entre solitude et contraintes

Autre personnage essentiel et complexe : une femme, fille du patron d’un prestigieux cabinet d’architectes, lié aux deux hommes et à un troisième, magnat de la presse. La passion qui se noue entre cette femme et ses amants est extrême, charnelle et tragique. Le metteur en scène orchestre avec son talent habituel le déploiement démultiplié de la fable, en utilisant avec maestria des caméras live, et en laissant voir le processus de fabrication de la représentation avec outils et techniciens agissant sur le plateau. Comme en écho au processus de création artistique qui est au centre de l’intrigue, avec comme attribut magistral la table à dessin. Comme le théâtre, l’architecture n’est d’ailleurs pas du tout un art solitaire et obéit à une foule de contraintes ! Contrairement à l’auteure, le metteur en scène explore le dilemme et ne prend pas parti pour l’un ou l’autre. Et cependant, la confrontation enfiévrée et exacerbée semble parfois manquer de nuances, comme si elle était prisonnière de sa dimension spectaculaire, très frontale et radicale. Peut-être parce que la dimension technique, certes impeccablement maîtrisée, est trop envahissante. Peut-être aussi parce que l’essence de la création relève aussi beaucoup du secret et du mystère, de choses qui ne peuvent se dire dans un affrontement aussi tranché. Certaines scènes – celles où Roark (Ramsey Nasr) dessine et celle où il détruit des logements sociaux qui ne lui conviennent pas – sont vraiment très belles, et les comédiens comme à l’accoutumée dans cette troupe d’excellence sont tous éblouissants.

Agnès Santi

 

A propos de l'événement


The Fountainhead
du jeudi 10 novembre 2016 au jeudi 17 novembre 2016
Odéon – Ateliers Berthier
1 Rue André Suares, 75017 Paris, France

à 19h30, relâche le 14. Tél : 01 44 85 40 40. Durée : 4h. Spectacle vu au Festival d’Avignon 2014. Spectacle en néerlandais surtitré.


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