Théâtre - Critique

Tabou

Tabou - Critique sortie Théâtre Paris THEATRE DU LUCERNAIRE


texte et mes Laurence Février

Si viol véritable il y a, s’ensuivent fermeture de l’utérus et impossibilité de la fécondation, prétend-on aujourd’hui outre-Atlantique. S’il faut bâcher les femmes, c’est parce que la concupiscence est provoquée par leurs irrésistibles appâts : les seins sont à cacher aux yeux des tartuffes prétendument innocents. Si les femmes se font violer, c’est que la jupe est trop courte, l’attitude aguicheuse et la chair affichée. Les victimes sont toujours transformées en coupables : seul Daniel vient au secours de la chaste Suzanne ! Le viol est tabou à cause de cette abjecte défiance : on n’hésite pas à dire qu’on a été volé ou attaqué, mais on craint d’avouer qu’on a été violé, tant le soupçon du « consentement » plane sur la plainte. La plaidoirie de Gisèle Halimi à la cour d’assises d’Aix-en-Provence, le 3 mai 1978, aborde cette question du consentement et en décortique le délirant et sordide processus : céder aux coups ou à la peur n’est pas acquiescer. Laurence Février a choisi de dire ce texte à la fin du spectacle pour lequel elle a tissé les témoignages recueillis. La dignité de ce discours et l’adamantin éclat de son interprétation sont impressionnants. Aux femmes traquées par la suspicion, Laurence Février rend leur statut de victimes intégrales : quand une femme dit non, elle ne dit pas peut-être.

Descente aux enfers

Pendant une heure, cinq magnifiques comédiennes (Anne-Lise Sabouret, Françoise Huguet, Carine Piazzi, Véronique Ataly et Mia Delmaë) tournoient en une ronde effrayante, prenant tour à tour en charge la parole des victimes et celle de l’inquisition sociale. Police, justice, voisins, spectateurs atterrés et témoins étonnés : tous se demandent ce qui a bien pu pousser des pères de famille respectables, des oncles dévoués, des fils de bonne famille et des hommes sans histoires à s’emparer par la force de ce qui ne s’offrait pas spontanément. Le récit est aux limites du supportable. Le talent des comédiennes, qui passent d’un rôle à l’autre avec une aisance sidérante, rend ces dépositions d’autant plus pathétiques que l’économie scénographique force à une écoute humble et presque honteuse : on voudrait s’indigner et l’on ne peut que se taire, ainsi contraint d’entendre enfin ces mots que personne jamais n’écoute. Enfant, jeune fille, femme mariée, célibataire : dans tous les milieux et à toutes les époques, on tue la femme dans la femme en forçant son corps, sa liberté et sa dignité. Le viol est un crime contre les femmes, mais aussi une insulte à ce don qu’on ne peut pas prendre : l’amour.

 

Catherine Robert

A propos de l'événement


TABOU
du mercredi 5 septembre 2012 au dimanche 21 octobre 2012
THEATRE DU LUCERNAIRE
53, rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris
Du mardi au samedi à 20h ; le dimanche à 17h. Tél. : 01 45 44 57 34. Durée : 1h10.

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