La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

«Sinistre et festive» avec Jonathan Capdevielle et Jean-Luc Verna, un tour de chant bouleversant sur la condition humaine

«Sinistre et festive» avec Jonathan Capdevielle et Jean-Luc Verna, un tour de chant bouleversant sur la condition humaine - Critique sortie Théâtre Paris THEATRE DE L'ATELIER
Arthur Pequin - Jonathan Capdevielle et Jean-Luc Verna dans Sinistre et Festive.

Théâtre de l’Atelier / conception de Jonathan Capdevielle et Jean-Luc Verna

Publié le 18 avril 2025 - N° 332

Jonathan Capdevielle, Jean-Luc Verna, Julien Bienaimé et des invités surprises éclairent les nuits printanières du Théâtre de l’Atelier avec un tour de chant bouleversant sur la condition humaine.

Strass et perruques, fourreaux lamés sur portants, rideau scintillant et cadre lumineux en fond de scène, talons vertigineux et chuchotis lestes et moqueurs en ouverture : on s’attend d’emblée au nième drag show qui rassure les normopathes quand ils viennent s’encanailler sur les boulevards, pour rentrer ensuite dans le confort dogmatique du juste milieu, convaincus que la vraie vie est forcément douce et tranquille. Mais le pianiste Julien Bienaimé porte le crâne de Yorick, du théâtre et de l’humaine condition en entrant sur scène : premier indice que la promenade de santé gaillarde risque de n’être pas seulement une gaudriole emperlousée et un peu trop maquillée. Puis, Vie violence, de Claude Nougaro, et tout est dit : les cocottes sont des colombes, la vie est toujours indéfectiblement sinistre et festive. On peut être crip, queer, hétéro, homo, rombière en goguette, égarée dans cet after théâtral, fluide ou crispé dans une identité rassurante : « pan ! sur la gueule à Jean ! ». C’est de nous tous qu’il est question, braves gens ! Parce que la vie, il faut se la faire : bien malin celui qui croit pouvoir cacher ses fêlures et ses cicatrices…

Beauté de l’inachèvement

« Vous comprenez, c’est le faux monsieur Art qui a le plus l’air d’être le vrai et c’est le vrai qui n’en a pas l’air ! Ça fait qu’on se trompe ! Beaucoup se trompent ! », dit Jean Dubuffet. Jonathan Capdevielle et Jean-Luc Verna s’inscrivent dans cette veine répréhensible, inutile, antisociale et subversive, qui ne flatte ni n’étrille. Les artistes rappellent que les hommes s’amusent toujours follement autour des tombes, comme le chante Cabrel (éblouissante interprétation de La Corrida par Jonathan Capdevielle). Hamlet le disait déjà mais le monde singe l’amnésie. Rien, pourtant, de désespéré dans ce tour de chant sinistre, puisqu’il est aussi festif, c’est-à-dire drôle, joyeux, foutraque, iconoclaste. De Barbara à Siouxsie, de Lady Gaga à Gabriel Fauré, des petits gâteaux de la rue du Croissant aux draps qui se souviennent des amours malheureuses et à la passion tragique de Nana et Julot Gueule d’Acier, tout ce qui fait le sel et l’amer de la vie est là. La classe impériale de Jean-Luc Verna, la robe en coton smocké de Jonathan Capdevielle, l’assurance amusée de Julien Bienaimé qui les accompagne au piano : les trois complices et leurs invités d’un soir font merveille en revisitant les standards de la chanson populaire, plus profonde que bien des traités de métaphysique. Performance où la maîtrise a l’élégance de la débine, variations encanaillées sur l’inachevé, le presque rien de nos vies et le quasi raté qui soudain flamboie ? Rose Berthet, en permettant cette intrusion punk chez Dullin, y continue un théâtre « de la poésie et de la réflexion » dans l’éclat de ce spectacle, rebelle comme une caresse.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Sinistre et Festive
du samedi 5 avril 2025 au dimanche 8 juin 2025
THEATRE DE L'ATELIER
1, place Charles-Dullin, 75018 Paris

Samedi à 23h et dimanche à 19h. Tél. : 01 46 06 49 24.

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre

S'inscrire