Giorgia Sinicorni met en scène « Nos histoires » de Frédérique Auger, une plongée émouvante dans le mécanisme insidieux de l’emprise
Dans Nos histoires, mise en scène par Giorgia [...]
Dans un geste formellement virtuose et radical, Séverine Chavrier propose des instantanés des sexualités contemporaines. Spectacle fragmenté, saturé d’images vidéo et de musiques, Occupations est étourdissant.
Si Annie Ernaux est convoquée comme source d’inspiration principale de cette dernière création en date de Séverine Chavrier, Occupations, on n’y trouve que peu de passages de ses ouvrages. Quelques fragments seulement qui révèlent au fond le projet de la directrice de la Comédie de Genève : dessiner l’insaisissabilité du désir, ses contradictions, ses paradoxes, tout ce qu’il agite en nous, que la société souvent se fait fort de maîtriser alors que nous-mêmes… Ô cul passions qui nous bousculent, nous ravissent à nous-mêmes, qu’Ernaux relate dans des récits comme Mémoire de fille ou Passion simple, qui montrent combien la libido est une force vitale susceptible de nous entraîner en des territoires inconnus. Avec un univers du désir et de l’amour qui s’est largement transformé ces dernières années sous les coups de boutoir contradictoires de la remise en cause des schémas patriarcaux, hétéros, binaires ou familiaux, et de l’explosion du porno, du virtuel, de la sexualité médiatisée, la sexualité contemporaine est saisie ici dans sa diversité, sa sauvagerie et son potentiel transgressif.
Un tourbillon de micro-personnages
Enfermés dans un rectangle de rayonnages métalliques, remplis de livres et de produits de consommation aussi variés que dans un bazar de quartier, deux danseuses, un performer non binaire et un acteur. Ces jeunes interprètes se filment sans cesse, parfois avec des filtres vieillissants, rajeunissants, avec des moustaches ou des étoiles dans les yeux, transforment également leurs identités en ne cessant de se déshabiller et de se rhabiller, créant ainsi un véritable tourbillon de micro-personnages à l’existence éphémère. Les spectateurs sont disposés en bifrontal. Tout est projeté sur les parois des rayonnages. D’un enterrement de vie de jeune fille, à un échange en visio mère-fils, à l’évocation de souvenirs intimes, en passant par des jeux avec des préservatifs ou des parodies de coït façon porno, le spectacle part dans tous les sens au risque de perdre le spectateur. La dramaturgie générale n’est assurée que par des titres qui s’affichent épisodiquement et des fragments de textes d’Ernaux, Paul B.Préciado, Simone de Beauvoir…, identifiés seulement sur une feuille remise à la fin du spectacle, comme s’il fallait dans le tourbillon de la sexualité accepter de perdre ses repères. Chacun y trouvera sans doute ses moments faibles et ceux qui lui auront davantage parlé. Tout du long, le travail des musiques et des vidéos reste hypnotisant. Variété, saturations, grésillements, déformations, visions apaisées ou cauchemardesques, ce long clip formellement virtuose que constitue Occupations expose l’image d’une société surmédiatisée et surconsommatrice, dans laquelle les corps et les identités tentent de se faire une place. Le final libérateur, quand apparaissent enfin en chair et en os les interprètes aux spectateurs, achève de nous laisser étourdi.
Eric Demey
à 20h, samedi à 18h, dimanche à 16h. Relâche mardi et mercredi. Tel : 01 41 32 26 10.
Durée : 2h15.
Spectacle vu à la Comédie de Genève.
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