Théâtre - Critique

Roméo et Juliette

Roméo et Juliette - Critique sortie Théâtre


Haine antique entre les familles Montaigu et Capulet et amour fatal entre les tout jeunes Roméo et Juliette structurent l’intrigue shakespearienne jusqu’à son issue tragique. Grâce à une remarquable fluidité du jeu théâtral et à une structuration de l’espace à la fois carrée, précise et virevoltante, la mise en scène parvient à restituer toute la fougue et les élans de la jeunesse, toute la puissance équivoque de l’amour et toute l’amère violence de la tragédie. C’est peut-être parce que Magali Léris a conçu la dramaturgie de Roméo(s) et Juliette(s) (au pluriel) du chorégraphe Sébastien Lefrançois qu’ici les corps réussissent à dire les emportements, les ruptures, les hauts et les bas, les joies indicibles, les abîmes insolubles et les désespoirs absolus… Deux échafaudages, avec escaliers, plates-formes et coursives, s’élancent vers les cintres de chaque côté de la scène et figurent les deux maisons rivales, ils sont utilisés à plein régime, de façon judicieuse, et permettent une remarquable mobilité des comédiens. La course effrénée et confuse de l’amour interdit n’a certes rien de linéaire et s’engouffre vers l’au-delà…

Fièvre et incandescence

Les deux acteurs qui interprètent le couple d’amoureux, Cassandre Vittu de Kerraoul et Marc Lamigeon, sont formidables. Juliette, à 14 ans, découvre l’amour, assume ses choix et éprouve sa force de caractère. Roméo, plus inconstant, plus mélancolique aussi – il est au départ éperdu d’amour pour Rosaline l’inaccessible avant de brûler pour Juliette –, se laisse emporter dans une spirale du désespoir. Tous deux bouillonnent, et face aux obstacles s’en remettent à l’énigmatique Frère Laurent, qui entérine leur mariage et propose des solutions incroyablement alambiquées pour contrarier l’adversité du destin proclamé par les pères. Les relations familiales entre la petite Juliette et ses parents défaillants, plutôt frivoles et un brin vulgaires, – le père trop autoritaire ou la mère drapée dans une robe noire moulante et transparente – sont particulièrement bien vues et font entendre combien Shakespeare demeure notre contemporain. Car le sujet essentiel, le sentiment amoureux et les relations filiales, d’une éternelle actualité, n’a rien perdu de sa fièvre et de son incandescence ! La nouvelle traduction de Blandine Pélissier vise à faire entendre l’humour du grand William et actualise la langue. Le spectateur le moins averti connaît ici la fin de l’histoire mais cette fulgurante histoire d’amour, qui naît et meurt en quatre jours seulement, connaît rarement une intensité et une vivacité aussi convaincantes, aussi vraies.

Agnès Santi   

Roméo et Juliette, de William Shakespeare, mise en scène Magali Léris. Du 3 au 30 janvier à 20h sauf jeudi à 19h et dimanche à 16h, relâche le lundi et le 5 novembre, au Théâtre d’Ivry Antoine Vitez, 1 rue Simon Dereure, à Ivry. Tél : 01 43 90 11 11. Durée : 2h. Spectacle vu lors de sa création au théâtre Jean Arp à Clamart.

A propos de l'événement




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