Théâtre - Critique

Roi Lear 4/87

Roi Lear 4/87 - Critique sortie Théâtre


Le comédien Antoine Caubet fait preuve de savoir-faire et de vision scénique quand il monte Roi Lear 4/87 dans un espace quadri-frontal, le plateau perçu comme un ring de boxe sous un éclairage qui englobe acteurs et spectateurs. C’est un choix politique assumé, dirigé vers la sacro-sainte proximité avec le public qui doit toucher idéalement l’art du doigt. Nous ne sommes d’ailleurs que peu de choses, selon Gloucester, qui a vu ses deux fils, le bâtard Edmond trahir le légitime Edgar à seule fin d’héritage. Les hommes, victimes de tragédies familiales ne sont que « des mouches pour des enfants espiègles », les dieux tuent pour se divertir. Lear est trahi de la même façon par ses deux filles Goneril et Régane, magiciennes du verbe menteur et demoiselles fourbes au profit desquelles le patriarche a partagé son royaume. Dans le même temps, il a répudié la jeune Cordélia, trop réservée et trop silencieuse selon le bon goût du roi, aveugle à la pudeur sentimentale et à la vraie tendresse filiale. Ne reste à Lear que l’égarement sur la lande, hantée par les êtres affligés.

Les comédiens échangent leur rôle
L’hystérie, la déraison et le sang des hommes imprègnent la terre des vivants et le Fou reproche au Roi de n’avoir guère d’esprit à avoir abandonné ainsi sa couronne. Lear, prophète en dépit de tout, déclare qu’ « en naissant, nous pleurons de paraître sur ce grand théâtre des fous ». La vie représentée sur des tréteaux de bois n’avoue pas autre chose que les pleurs et la démence humaine collective, reprise et canalisée parfois par ces acteurs de bonne foi que sont les hommes sincères en perdition, les visionnaires déshérités, Lear, Edgar, Gloucester, le Fou, Cordélia … Les maîtres du plateau Antoine Caubet, Cécile Cholet, Christine Guênon et Olivier Horeau sont tendus de conviction inspirée, aériens et terriens, proches des spectateurs, assis ou debout à leurs côtés. Dans l’alternance des scènes, les comédiens échangent leur rôle, homme ou femme, traître ou fidèle, bon ou cruel. Un théâtre militant de bouts de ficelle, engagé et brut à la façon du Théâtre Permanent de Gwenaël Morin aux Laboratoires d’Aubervilliers. Ce Roi Lear 4/87, juste et sensible, ne donne pourtant pas toute la mesure du talent de l’œuvre shakespearienne comme de l’art de Caubet et de ses acteurs généreux. Une miniature qu’on aimerait plus bruissante des bruits du monde.
Véronique Hotte

Dans le cadre du festival Escapades 2009.
Roi Lear 4/87

D’après William Shakespeare, traduction de Jean-Michel Déprats, mise en scène d’Antoine Caubet, du 2 au 27 décembre 2009, du mercredi au vendredi 20h30, samedi 16h et 20h30, dimanche 16h, relâche exceptionnelle le 24 décembre au Théâtre de l’Aquarium La Cartoucherie, route du champ de manœuvre 75012 Paris Tél : 01 43 74 99 61

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