Théâtre - Critique

Rêves

Rêves - Critique sortie Théâtre


L’inclination est naturelle à l’homme de théâtre Wajdi Mouawad de revenir sur sa condition d’écrivain, homme d’abord et citoyen avant d’être artiste dont l’inscription politique dans le monde ne fait nul doute. L’épreuve initiatique de l’enfant de jadis – exilé par la guerre au Liban en France puis au Québec – devient pour l’adulte d’aujourd’hui, source de méditation et capacité à ouvrir les yeux sur une terre éternellement blessée. Les conflits entre les peuples sont inacceptables, et l’œuvre dramaturgique de Mouawad donne à voir les peines déchirantes et les souffrances des victimes, les proies de voisins bourreaux empêtrés dans des stratégies de guerre incontrôlable. L’écrivain fait le constat de la cruauté, de la haine et du sang, mais il note aussi l’amour, la douceur et la générosité. La pièce Rêves se concentre sur Willem, le personnage d’un écrivain retiré dans une chambre d’hôtel pour écrire : « J’ai senti alors, peut-être à tort, qu’il y avait là un roman … pas d’histoire, pas d’action, rien, un homme qui marche et son monologue intérieur qui le structure. » L’auteur se tient précisément sous le contrôle de cette conscience raisonnante, un personnage nommé Isidore, qui le détourne du monde alentour, comme de l’hôtelière qui l’interrompt souvent avec ses faux problèmes de minuterie : « l’hôtelière, elle le lira jamais ton roman ! »

Des personnages surgissent en attente d’incarnation

L’écrivain a pour mission de penser au seul marcheur en direction de la mer, lui qui quitte tout pour gagner tout. Dans son esprit et sur le plateau, d’autres personnages surgissent en attente d’incarnation : la Femme emmurée, l’Homme écroulé, la Femme décharnée, L’Homme ensanglanté, la Femme décapitée, la Femme ensevelie, … jusqu’à L’Aurican, le fils de l’hôtelière qui écrivait aussi, avant de mettre un terme à sa vie. Mais grâce à Willem, L’Aurican survit sur la scène. La vie n’est pas qu’un désert lamentable, elle est habitée par des êtres d’exception que sont les hommes, ainsi les Incas « qui ont pour arme le souvenir de leur enfance et la mémoire de leur blessure… », ainsi l’Hôtelière, la mère en souffrance pour laquelle l’auteur doit écrire tout autant. Les acteurs Clément Aubert, Esther Van Den Driessche, Isabelle Habiague, Romain Joutard, Imer Kutlovci, Igor Mendjisky, Jenny Mutela, Arnaud Pfeiffer, Arthur Ribo et Estelle Vincent font de Rêves un espace lumineux et précis, dévolu à un écrivain s’exerçant à la lucidité.

Véronique Hotte

Rêvesde Wajdi Mouawad, mise en scène d’Igor Mendjisky, du 26 novembre 200ç au 9 janvier 2010, du mercredi au vendredi 21h, samedi 17h et 21h, dimanche 15h au Théâtre Mouffetard 73, rue Mouffetard 75005 Paris Tél : 01 43 31 11 99 www.theatremouffetard.com Texte publié à Actes Sud-Papiers Spectacle vu au Studio d’Asnières.

A propos de l'événement




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