« Holden » de Marilyn Leray, déambulation dans l’esprit sinueux du personnage de « L’Attrape-cœurs » de J.D. Salinger
Sous la direction de Marilyn Leray, Mégane [...]
CHEVALERESSES est une autofiction de théâtre écrite avec finesse, mise en scène avec inspiration et interprétée avec brio. À ces trois postes, Nolwenn Le Doth livre un sans-faute sur un sujet douloureux mais dont la mise en mots est éminemment nécessaire, celui de l’inceste.
CHEVALERESSES est un miracle d’intelligence et de courage. C’est un tour de force de la part de Nolwenn Le Doth d’avoir réussi à faire d’un sujet délicat, qui la touche intimement, une œuvre puissante, captivante, et attentive à ne pas brusquer le public. La jeune femme qui se tient sur scène pour raconter son parcours n’est pas nommée, car nous sommes concernés toutes et tous, et qu’elle nous représente. La pièce commence in medias res sur une scène de course à vélo tirée de l’enfance. D’avant. Du temps où le grand frère n’avait pas encore changé de visage. C’est l’histoire d’une jeune femme dévastée par les maux qui lui sont infligés : une « morte-vivante en errance d’elle-même ». Une survivante néanmoins, une chevaleresse avec son armure et son épée, une parmi tant d’autres. C’est l’histoire d’une famille aussi, des parents chéris et des enfants, des agresseurs et des victimes sur plusieurs générations. C’est l’histoire de la violence intrafamiliale – un mal qui se transmet tant qu’on se tait, contre lequel l’amour ne peut rien, contre lequel les adultes ne protègent pas. Du déni. De la honte. De la colère. Le récit est fragmenté en un puzzle dramaturgique, qui permet de saisir le parcours du personnage dans toute sa complexité, en ouvrant plusieurs espaces narratifs. Aux souvenirs de la petite enfance succèdent le présent de la procédure judiciaire, des séquences inspirées de la télévision des années 80 – qui rappellent la prégnance du patriarcat et de la culture du viol –, l’imaginaire enfantin inspiré des légendes arthuriennes qui permet au psychisme de se protéger, la bête intérieure de la mémoire traumatique avec son cortège de pensées dévalorisantes et de pulsions de mort… La douleur s’inscrit dans la chair, déforme le corps, le brûle de l’intérieur. Les bascules sont sidérantes de rapidité, et la clarté de l’ensemble est lumineuse – sans doute faut-il y voir l’expérience de Faustine Noguès qui accompagne la dramaturgie.
Un puzzle narratif qui a la finesse de la dentelle et la force d’un uppercut
Et puis, il y a cet espace magnifique du chœur des femmes, pris à la fois au sens théâtral et au sens musical, présence magique à l’arrière-scène qui revient périodiquement soutenir l’héroïne dans sa quête. Si CHEVALERESSES traite de survie et de réparation, de sororité également, elle semble être surtout un acte de vérité – Nolwenn Le Doth fait dire à son double théâtral sur les fonts baptismaux : « En tant que chevaleresse, je jure de consacrer ma vie à me battre pour la vérité. ». L’une des clés du spectacle se trouve là : la nécessité de parler pour se reconnaître, s’encourager mutuellement, et briser le tabou. La petite fille disait : « Personne ne doit voir mes larmes… je suis seule… le monde s’est rempli de silence… » ; la femme a la force de prononcer le mot « viol », de se confronter à son agresseur, et surtout de prendre la parole pour rompre le cycle des violences, en commençant par sa famille. Mais toute la société est gangrenée par le poison de l’inceste. Tout est terrible, tout est juste, tout est terriblement juste dans CHEVALERESSES. Mais tout n’est pas tragique : la musique notamment porte la proposition et lui confère force et joie, et l’espoir y est permis, et la combativité y a sa place – car la bataille peut finalement être gagnée. Au cœur de tout cela, il y a Nolwenn Le Doth qui, au-delà de sa mise en scène contrastée et dynamique, propose une interprétation de première classe, se coulant dans tous les personnages, prononçant tour à tour des répliques d’une indicible violence et d’une ineffable poésie, rayonnante de force et de détermination. On ne peut que la saluer, et la remercier de cette pièce aussi formidable qu’indispensable.
Mathieu Dochtermann
à 10h00. Relâche les 8, 15 et 22 juillet. Durée 1h15. Tél. : 04 90 82 20 47.
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