Dans ce 43e festival Montpellier Danse intitulé « Mémoire et créations », Œ de Pierre Pontvianne relevait donc du chapitre création. Dans une pénombre propice, se détache chacun des sept interprètes, saisis dans différentes intensités lumineuses comme autant de papillons épinglés sur un fond de velours noir. Au loin on entend le frémissement du monde, remugles incertains d’un ailleurs indéfini. Peu à peu, la présence des danseurs se fait plus insistante par l’accumulation calculée de leurs présences, interrompue chaque fois par des noirs, comme autant de césures, d’inconnues, qui constituent le fond – et peut-être même le liant de cette chorégraphie trouée. Se construisent alors par bribes de savants entrelacs, d’envoûtantes métamorphoses, des boucles qui se cherchent et reprennent comme on ressasse, comme s’il existait à chaque fois en son cœur un élément manquant. Jusqu’à de dissonants mouvements de révolte. Ce que viennent corroborer le noir abrupt et la clameur sourde et menaçante qui ponctuent chaque scène de leur mystère inquiétant.
Au cœur du sujet
Cette chorégraphie tout en éclats, à la lisière du rêve et de l’obscurité, à l’horizon du sensible et de la perception, suscite du spectateur la plus grande attention. À lui d’assembler les scènes qui se ressemblent, de tisser ces fils qui s’entremêlent et ne sont jamais ni tout à fait les mêmes ni tout à fait des autres. À lui de déchiffrer ces hiéroglyphes élégants que forment les danseuses et danseurs comme se révéleraient à sa conscience les méandres d’une scène primitive toujours répétée, jamais cernée. Insensiblement, il finit par comprendre que cette fine construction n’est autre que celle de la mémoire, avec ses flashs et ses répétitions, ses hésitations, ses bégaiements ou ses strates accumulées, et même ses points aveugles. Au fond, Œ de Pierre Pontvianne suit à la lettre et d’une brillante manière le thème de cette édition de Montpellier Danse, soit Mémoire ET création, ainsi que l’idée annoncée dans le programme : « l’art vivant est peut-être par essence souvenir ».
Agnès Izrine
à 20h. Durée : 1h. Tél. : 01 41 74 17 07. Spectacle vu le 1er juillet 2023 à Montpellier Danse.
Également du 6 au 8 février 2024 à la Comédie de St Etienne, les 7 et 8 juin 2024 à Grand Sud / Festival Latitudes Contemporaines, Lille.
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