Théâtre - Entretien

Nasser Djemaï met en scène « Les Gardiennes »

Nasser Djemaï met en scène « Les Gardiennes » - Critique sortie Théâtre Ivry-sur-Seine _Théâtre des Quartiers d’Ivry


Théâtre des Quartiers d’Ivry

Quels liens établissez-vous entre vos différents textes ?

Nasser Djemaï : Mes pièces sont liées les unes aux autres par des sortes de filaments. Je veux dire par là que lorsque je termine une pièce, je remarque toujours les pistes que j’aurais pu pousser plus loin et qui, de ce fait, pourraient faire l’objet d’une autre pièce. Ce qui revient à dire que chaque pièce me prépare à la suivante. Comme si, d’une certaine façon, j’écrivais une seule et même pièce que je déclinais et explorais à l’infini.

Dans vos œuvres, il est souvent question de rapports familiaux. Est-ce également le cas dans Les Gardiennes ?

ND.: Oui, mais avec cette nouvelle pièce, j’ai eu envie de revenir à quelque chose de plus intime. Dans Héritiers, une mère ne parvenait pas à sortir de sa maison en ruine, elle voulait mourir avec elle. Dans Les Gardiennes, je prolonge ce thème en le déplaçant. Il y a toujours un personnage de mère, mais sa fille va parvenir à la faire sortir de chez elle. Les Gardiennes raconte l’histoire de quatre femmes d’un certain âge qui ont décidé de vieillir ensemble pour échapper aux griffes de la solitude. Leurs maris sont morts, leurs enfants sont partis. Elles forment une petite tribu. L’une d’entre elles, qui s’appelle Rose, ne parle pas et vit clouée sur un fauteuil roulant. Elle est prise en charge par les trois autres. Jusqu’au jour où la fille de Rose, Victoria, leur annonce qu’elle a trouvé une maison médicalisée pour sa mère. À partir de là, deux points de vue radicalement opposés s’affrontent. Celui de Victoria, qui passe son temps à gérer, calculer, quantifier. Celui des trois amies de Rose qui envisagent l’existence de façon plus charnelle, plus affective. Se pose ainsi la question de la qualité de la présence, qui est difficilement mesurable.

 « J’écris depuis un entre-deux qui appartient à différents mondes. »

Comme dans vos pièces précédentes, cette nouvelle création laisse entrevoir une dimension onirique. Quel sens donnez-vous à l’intrusion du fantastique dans vos fables ?

ND. : C’est une manière pour moi de tordre le réel, de m’introduire dans la tête de mes personnages, de matérialiser la folie qu’ils ont en eux. Cette part de fantastique, nous la vivons tous, tous les jours, chacun à son échelle. Nous passons tous par des moments au cours desquels le réel n’a plus de sens. Mes personnages se laissent souvent envoûter par des présences, par des énergies incontrôlables.

Quelles sont les obsessions qui fondent votre théâtre ?

ND. : D’abord, il y a quelque chose qui m’anime profondément, c’est la difficulté de trouver sa place dans la société. Et puis, j’écris depuis un entre-deux qui appartient à différents mondes. Cet endroit n’est ni le jour, ni la nuit, ni le rêve, ni la réalité. Mon théâtre se situe toujours au bord de quelque chose, dans un lieu où les frontières n’existent plus, où les règles sont à redéfinir.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement


Les Gardiennes
du mercredi 9 novembre 2022 au vendredi 25 novembre 2022
_Théâtre des Quartiers d’Ivry
1 place Pierre-Gosnat, 94200 Ivry-sur-Seine

Du mardi et vendredi à 20h, le samedi à 18h, le dimanche à 16h. Durée de la représentation : 1h45. Tél. : 01 43 90 11 11. www.theatre-quartiers-ivry.com


 


Également les 29 et 30 novembre 2022 au Volcan - Scène nationale du Havre, le 9 décembre au Théâtre de Villefranche - Scène conventionnée, les 14 et 15 décembre à la MC2: Grenoble - Scène nationale, les 6 et 7 janvier 2023 au CDN de Normandie Rouen, du 11 au 13 janvier au Théâtre de l’Union – CDN du Limousin, du 19 au 21 janvier à la Maison de la Culture de Bourges - Scène nationale, les 25 et 26 janvier au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN, le 3 février aux Passerelles à Pontault-Combault, le 7 février à L’Estive – Scène nationale de Foix et de l’Ariège, le 10 février au Théâtre Molière à Sète - Scène nationale Archipel de Thau, le 28 février à MA Scène nationale – Pays de Montbéliard, du 16 au 18 mars au Théâtre du Nord - CDN Lille Tourcoing Hauts-de-France.


 


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