Théâtre - Critique

Mémoires



Imaginer sur une scène de théâtre le parcours de la vie tumultueuse de Carlo Goldoni, auteur dramatique d’un dix-huitième siècle italien florissant, entre Rimini et Chioggia, Pise et Milan, Venise et Paris, l’idée de Strehler est belle. La réalisation par Giorgio Ferrara est magnifique. Goldoni œuvre toute sa vie pour la réforme du Théâtre de son pays, créant et publiant cent cinquante comédies de caractère et d’intrigue, en vers et en prose. Il compose d’abord des intermèdes, des canevas, des dialogues écrits puis de « vraies » comédies. Son rêve ? Changer la pratique théâtrale et le goût du public, amateur de farces faciles. La Commedia dell’arte subsiste en faisant du masque un élément de comique et de satire sociale. Finis les bouffonneries et les coups de bâton attendus, la fiction écrite exige des comédiens qu’ils apprennent par cœur leur texte, qu’il soit en vénitien ou bien en italien. Le théâtre dévoile paradoxalement la vérité. Et du métier d’avocat dans la ville de Pise jusqu’à celui de poète de troupe, Goldoni effectue des allers et retours entre le Monde et la scène. : « Le théâtre que j’ai écrit est le fruit de mon observation des hommes. » Paris, où il vit dans la paix et le réconfort à la fin de sa vie mélancolique, symbolise les valeurs intellectuelles et spirituelles de la civilisation occidentale. L’auteur philosophe va jusqu’à écrire Le Bourru bienfaisant en français pour la Comédie-Française.

Les acteurs donnent vie à des tableaux de maître aux tons pastel.

Goldoni aime la vie, les femmes frivoles – plutôt des soubrettes ou des comédiennes-, le vin, la bonne chère, les jeux de cartes et de hasard. Quant à la Sérénissime, ville de masques et de bergamasques, idéale pour les relations humaines et la vie sociale, c’est le décor de ses comédies. La scénographie subtile de Gianni Quaranta qu’éveillent les lumières de Mario Loprevite et les costumes de Maurizio Galante, joue à merveille de la violence étrange et gracieuse du théâtre dans le théâtre. La scène est un plateau dont le mur du fond représente la fresque lumineuse d’une salle à l’Italienne investie par son public. Chanteurs à l’occasion, les acteurs donnent vie à des tableaux de maîtres aux tons pastel, scènes intimes d’intérieur- le père et le fils Carlo – ou d’extérieur, comme l’arrivée de la barque des comédiens dans la brume de Chioggia. Pour rendre compte d’un destin, il faut au moins trois Goldoni, du plus jeune au plus âgé. Ce dernier est incarné par l’art de Jean-Claude Penchenat. À sa table, Goldoni fait l’histoire de sa vocation, se souvient, regrette ou bien applaudit. Le génie comique l’a peut-être entraîné et perdu, mais « l’homme vil est celui qui ne sait pas reconnaître ses devoirs ». Au-delà des critiques, lui seul pressentait que son émotion servait au mieux le théâtre.

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