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Avignon / 2016 - Entretien / Sterren Guirriec
Sterren Guirriec met en scène William Mesguich dans l’adaptation du premier texte de Flaubert. Une plongée vertigineuse dans le fleuve de la langue ; une ordalie scénique pour un comédien flamboyant !
« Ce spectacle est d’abord une envie de comédien ! William mourait d’envie de jouer ce texte et de mettre en scène la langue de Flaubert. Mémoires d’un fou est le premier texte de Flaubert, et on y voit tous les textes à venir, comme s’il se saisissait de tout comme prétexte à écriture. Nous avons voulu adapter l’écriture même, et tous ses degrés temporels : le présent d’écriture, le surplomb d’où il assène des vérités sur le monde, le passé des souvenirs. Le passage d’une temporalité à l’autre est vertigineux : ces temps se chevauchent sans arrêt ; même à la lecture, tout s’entrecroise. J’ai voulu que sur scène, se ressente ce vertige, que rien ne soit confortable, assis à jamais. Car ce qui se reflète dans la forme, c’est le fond : Flaubert nous invite à ne jamais nous installer dans un seul regard. Qu’est-ce que la folie ? Regarder autrement le monde ou ne pas l’accepter ? Cet homme n’est pas fou, il joue à l’être et nous interroge sur notre perception et notre conception de la folie.
Le texte s’écrit sur tout le théâtre
Charlotte Escamez a coupé le texte, et y a mêlé des extraits d’Un cœur simple, quelques phrases du Dictionnaire des idées reçues, de Bouvard et Pécuchet, pour symboliser cet endroit où grouillent tous les textes à venir. Le texte s’écrit sur tout le théâtre. La scénographie est recouverte de feuilles, symboles de la page blanche et rappel des autres textes en germe dans celui-là. Je connais bien William. Nous avons souvent travaillé ensemble. Il m’a fallu de l’entêtement pour canaliser sa folle envie et pour qu’il y ait une écriture de mise en scène et d’interprétation. William est d’une intensité qui ne se dirige pas, il a son propre monde qui persiste dans son regard. Il fallait lui donner la solidité de vouloir se perdre, cette confiance pour avancer mot après mot, au présent. Nous avons réussi à résorber ce que je voulais donner dans la force dont il ne démord jamais, pour un spectacle d’une incroyable intensité. »
Catherine Robert
à 12h05. Tél. : 04 90 82 74 42.
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