Théâtre - Critique

Memento Mori

Memento Mori - Critique sortie Théâtre Gennevilliers Théâtre de Gennevilliers


Théâtre de Gennevilliers/Yves Godin et Pascal Rambert

Pas sûr que ce serait rendre service au spectateur que de lui dévoiler à l’avance ce qui se passe exactement sur le plateau de Memento Mori. Lentement, au début, l’obscurité se fait, le passage s’opère imperceptiblement vers un univers impénétrable, d’où, tout aussi lentement, émergent des sons, des bruits, des visions, un monde imaginaire et archaïque que le spectateur cherche à identifier. Plongé dans un noir absolu, total – issues de secours éteintes, salle et scène comme une seule boîte hermétiquement fermée – ce même spectateur s’évertue longtemps à percevoir les fugitives apparitions, à saisir les fugaces images, à cerner les bribes de passage qui naissent et s’évanouissent devant ses yeux. Plongé dans ces profondes ténèbres, il ne sent plus le siège voisin, ne sait plus où se trouve la scène, se perd, voyage comme en lévitation, et d’un puzzle de visions en mirages commence à faire interprétation. Bruits glissants, visqueux, chocs de chair, silhouettes opalescentes et traces rétiniennes, le ballet qui se déploie dans l’obscurité reste longtemps mystérieux, perçu en évanescences suggestives et évocatrices. Ombres errantes dans les Enfers, peintures pariétales, traversées christiques, chaque imaginaire chargé de ses archétypes recompose alors à l’envi des tableaux flottants, mourant aussitôt nés, qui placent le spectateur comme dans un rêve éveillé.

N’oublie pas que tu vas mourir

Memento Mori – n’oublie pas que tu vas mourir –, c’est la petite phrase que l’on répétait aux empereurs romains pour leur rappeler la fragilité de leur gloire et la vanité de tout honneur ici-bas, dans cette existence que borne la mort. En sont nés des tableaux, un genre pictural – crânes, fruits, miroirs entremêlés -, ces natures mortes qui rappellent inlassablement qu’ici tout est vanité. Yves Godin, créateur lumière, et Pascal Rambert ont bien sûr conçu ce spectacle autour de la mort, mais aussi comme une ode à la vie. Aux puissances chtoniennes s’oppose en effet dans Memento Mori la fragilité humaine, la joie du jouir, la dionysiaque création. A l’obscurité du néant qui recouvrira le monde in fine répondent les lumières de l’art et du plaisir. Dans ce spectacle sans parole d’une heure, on pourra regretter quelques répétitions, quelques flottements, mais le dispositif imaginé par le duo convie véritablement à une expérience sensorielle sans équivalent. Presque trivialement, une expérience à vivre avant de mourir.

Eric Demey

A propos de l'événement


Memento Mori
du lundi 16 décembre 2013 au vendredi 20 décembre 2013
Théâtre de Gennevilliers
41 avenue des Grésillons. 92230 Gennevilliers.
Du 16 au 20 décembre à 20h30, les 17 et 19 à 19h30. Tél : 01 41 32 26 26. Durée : 1h.

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