Théâtre - Entretien

Mathieu Bertholet

Mathieu Bertholet - Critique sortie Théâtre


À quoi fait référence Farben ?

Mathieu Bertholet : Le destin de Clara Immerwahr, première femme chimiste allemande, épouse du chimiste Fritz Haber, m’a fasciné. En 1916, cette femme se suicide dans son jardin, lors d’une soirée où scientifiques et officiers fêtent le succès de son mari et de son Institut, responsable de la première attaque au gaz de l’Histoire dans les tranchées d’Ypres. Fritz Haber est en train de construire ce qui va devenir la IG-Farben, le conglomérat industriel allemand, qui s’est employé à fabriquer des gaz de combat. La pièce Farben a été montrée pour la première fois en France à la Mousson d’été, et mise en lecture par Véronique Bellegarde qui la monte aujourd’hui. J’ai vécu à Berlin neuf ans, entre études et travail. Depuis, j’ai recommencé à travailler en France et en français.

« L’ensemble progresse par éclairs, bribes, motifs, refrains et images. »

Quelle est l’histoire significative de ce couple ?

M. B. : La pièce, biographique et historique, raconte une histoire vraie, celle de la première femme chimiste allemande, juive, qui a épousé un autre chimiste, juif lui aussi, en 1907. Ces jeunes gens se sont mariés et auraient pu devenir un nouveau couple « Pierre et Marie Curie ». La réalité de l’époque a fait que l’homme et la femme ont subi le refus du classement social qui aurait dû être le leur, ce qui les a empêchés concrètement de travailler dans un laboratoire en commun. La découverte du processus du catalyseur d’azote liquide dans les années 1910 a assis leur stabilité financière et a permis de faire de l’engrais de manière industrielle, et de la poudre à canon. Cinq ans plus tard, le chimiste a envie de montrer qu’il aime sa patrie. Il recherche l’arme absolue et invente le gaz de combat. Sa femme s’oppose catégoriquement à ce que la chimie et la science servent les guerres.

De quelle façon la pièce s’est-elle imposée à vous ?

M. B. : La construction dramatique est plutôt filmique, avec une centaine de scènes. On commence par la fin, le suicide de Clara, ce qui correspond à une légende qui dit que quand on meurt, on voit la vie qui défile en soi. La fin de l’intrigue illumine le plateau, mais pour en arriver là, l’histoire se déroule jusqu’à son dénouement. La question est celle de la responsabilité éthique des scientifiques.

Quelle forme dramaturgique privilégiez-vous ?

M. B. : Il faut empêcher la tyrannie du pathétique, au profit de la retenue. La pièce est post-moderne, rapide et déconstruite, avec des images, des citations. Elle appartient à notre temps, avec la chanson de Céline Dion,  « My Heart will go on » à propos du Naufrage du Titanic, contemporain de l’époque. Mes pièces relèvent du sensoriel, au-delà des niveaux de lecture et des multiples constructions de sens. L’ensemble progresse par éclairs, bribes, motifs, refrains et images. La forme est au plus près du sujet et de sa réception aujourd’hui.

Propos recueillis par Véronique Hotte


Farben, de Mathieu Bertholet ; mise en scène de Véronique Bellegarde. Les 6, 7, 8, 9, 10, 13 et 14 mars 2012.  Mardi, mercredi, vendredi, samedi à 20h30, jeudi à 19h30. Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, Place Georges Pompidou, 78054 Montigny-le-Bretonneux. Tél : 01 30 96 99 00.

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