Théâtre - Critique

L’Eveil du Printemps

L’Eveil du Printemps - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Epée de Bois


L’Eveil du Printemps /De Aiat Fayez/MES Alain Batis

Sous-titrée comme la pièce de Frank Wedekind « tragédie enfantine », l’histoire proposée par Aiat Fayez explore plus d’un siècle plus tard les mêmes thèmes de l’éveil de la sexualité, des tumultes de l’adolescence (un peu dans la même veine d’actualisation que Simon Stone avec Les Trois Sœurs). L’auteur y développe une focale particulière, qui met en jeu le rapport à l’autre dans sa différence au sein d’un univers de science-fiction, où se reconnaissent aisément des enjeux actuels. Le dramaturge met en miroir deux mondes : Platoniun et la Terre. Parmi les Platoniuniens, le jeune A. (Nassim Haddouche) cherche à approcher M. (Pauline Masse), une fille super sexy, avec l’aide de son ami B. (Geoffrey Dahm). Surtout, il rêve de quitter sa planète qu’il exècre pour s’installer sur la si belle planète bleue. « Tout leur a été donné comparé à nous. » confie A., qui décide de s’inscrire à l’université sur la Terre, où il rencontre les Terriens Maurice (Mathieu Saccucci) et Anna (Emma Barcaroli). La pièce est scindée en deux parties, la première sur Platoniun, la seconde sur la Terre, où, d’abord émerveillé, A. va connaître l’amour avec Anna, puis d’amères désillusions. « Etrange étranger » à l’accent différent et aux codes culturels qui dénotent, il ressent crescendo l’expérience d’une mise à l’écart aussi spontanée que radicale.

Implacable mise en miroir

La parabole se déploie avec une implacable simplicité et fait surgir une banale cruauté du quotidien. On pourrait voir une forme de naïveté dans la fable, mais c’est une mise en lumière de quelques fondements de l’exclusion dans l’espèce humaine qui se révèle, dans une évidence élémentaire. Une peau bleue comme l’est celle de tous les Platoniuniens, un accent différent, des codes culturels qui dénotent, une histoire autre, une hiérarchie qui s’installe… : cela suffit à faire des ravages. Difficile d’inventer un accent inconnu, Alain Batis a donc plutôt travaillé sur le jeu corporel (un enjeu difficile !). Surtout, il orchestre grâce à une scénographie limpide et une superbe vidéo – un lever de Terre, un ciel rouge… – une mise en miroir des deux mondes et une confrontation des sentiments habilement menées. Pour Pelléas et Mélisande ou La Femme oiseau, il avait mis en œuvre une épure intemporelle, un équilibre délicat des effets du théâtre. On retrouve son talent subtil, qui rehausse l’histoire structurée en 41 séquences concises. Sa manière aussi de mettre en place un univers sensoriel à la fois visuel et sonore, ici ancré dans un théâtre d’images. Avec son équipe – dont Cyriaque Bellot pour la musique -, il a construit un écrin qui renforce la poésie de la fable. Grâce aux qualités de la mise en scène, et à une très belle équipe de jeunes comédiens, l’ensemble fluide se tient sur un fil mêlant étrangeté et familiarité. Un conte en forme de radiographie nuancée et concrète.

Agnès Santi

A propos de l'événement


L’Eveil du Printemps
du lundi 15 janvier 2018 au mercredi 14 février 2018
Théâtre de l’Epée de Bois
Cartoucherie, 75012 Paris.

Du 15 janvier au 14 février, du lundi au mercredi à 20h30, relâche les 22, 23 et 24 janvier ; du 21 au 25 février, du mercredi au samedi à 20h30, samedi et dimanche à 16h. Tél : 01 48 08 39 74.  Durée : 1h35.


 


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