La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Suppliantes

Les Suppliantes - Critique sortie Théâtre
Crédit : Alain Fonteray Légende : Mireille Herbstmeyer et Philippe Girard dans Les Suppliantes.

Publié le 10 mars 2010

Olivier Py continue son entreprise de théâtre d’intervention, adaptant Eschyle en une forme courte et partout transportable. Et ressuscitant les antiques alarmes, il interpelle l’abject aujourd’hui…

Mireille Herbstmeyer porte à elle seule le chœur des vierges exilées venues réclamer à Argos asile et protection pour échapper aux appétits matrimoniaux de leurs sanguinaires cousins égyptiens. L’économie théâtrale l’impose et la légèreté de la forme inventée par Olivier Py pour la faire voyager dans tous les lieux non théâtraux qui vont l’accueillir l’exige. Mais la valeur supplée heureusement au nombre : de la voix, de la présence, de la puissance évocatrice de cette comédienne hors pair naissent toutes les Danaïdes venues supplier les Argiens d’ouvrir leurs temples et leurs foyers aux étrangères. Sur un long tréteau dressé à hauteur des yeux du public, Mireille Herbstmeyer, Philippe Girard et Frédéric Giroutru interprètent avec un talent confondant de justesse la déréliction et l’espoir, la crainte à secourir et l’impératif à le faire. Les dieux sont là, dans les imprécations et les prières, et surtout dans la simplicité remarquablement efficace d’un théâtre rendu à son verbe premier.
 
Quand la beauté s’engage…
 
Olivier Py coupe, adapte et retraduit le texte d’Eschyle. Les puristes trouveront peut-être à redire de cette réécriture qui n’hésite pas à moderniser l’archaïque. Mais la force de ce travail tient aux formidables échos qu’il fait naître et à la claque retentissante qu’assène ainsi le vieil Eschyle aux comptables contemporains de l’exclusion qui créent des ministères scélérats, des camps et des stigmatisations assassines en oubliant que l’autre est toujours à recevoir lorsqu’il demande soutien et refuge et que nos semblables sont tous nos cousins, comme le sont les filles d’Io revenues s’échouer sur les rives dont la colère des dieux avait chassé leur aïeule. Il est bien des plages de la Méditerranée aujourd’hui qui pourraient servir de cadre à cette tragédie ancienne… Et en un temps où l’on continue encore d’ergoter sur les différences entre l’art pour l’art et l’engagement, Olivier Py prouve de façon magistrale qu’on peut faire beau et utile, qu’on peut concilier esthétique et politique et le montrer hors des murs du théâtre, afin que tous ceux qui n’ont pas l’habitude ou la légitimité d’en franchir les portes n’en soient pas privés. Mireille Herbstmeyer, Philippe Girard et Frédéric Giroutru savent montrer comment le théâtre émeut, comment il effraie, comment il transporte, comment il console et redonne foi en la fraternité, comment il rappelle que les combats sont toujours à mener contre ce qui amoindrit et assèche les âmes. L’étranger est bienvenu dans nos maisons et le théâtre sort de la sienne pour le clamer au monde. En le rappelant avec autant de force, Olivier Py et les siens font mieux que leur métier d’artiste ; ils font métier d’homme.
 
Catherine Robert


Les Suppliantes, d’après Eschyle, texte français, adaptation et mise en scène d’Olivier Py. Du 8 mars au 8 avril 2010. Représentations hors les murs de l’Odéon – Théâtre de l’Europe. Réservations auprès des lieux de représentation ; liste des lieux de représentation et renseignements sur www.theatre-odeon.fr

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