Les Reines

A trop regarder les soldats faire la guerre, on en oublie que des femmes les ont portés, nourris, élevés et parfois armés. Même le fléau de l’Angleterre naquit d’une matrice qui le fit monstre et boiteux : le monologue initial de Richard III explique que le scélérat choisit le crime par dépit, faute d’être amant et aimé. S’évadant du texte de Shakespeare pour mieux y replonger, Normand Chaurette imagine les intrigues fomentées par les femmes autour de la couronne tant convoitée et du trône ruisselant du sang des fratricides et des infanticides. Elles sont six : cinq gerfauts dont les serres agrippent l’Angleterre et dont le verbe acéré a plus de force que l’épée (la reine Elisabeth, les sœurs Anne et Isabelle Warwick, la Reine Marguerite et la vieille duchesse d’York) et Anne Dexter, muette aux mains coupées. « Immense chant d’amour à elle seule, Anne Dexter donne sens à cette fable. », dit Elisabeth Chailloux, qui réaffirme, avec cette création, sa passion pour le théâtre et les feux qu’il nourrit.

Catherine Robert