Théâtre - Critique

Les Ponts et Palais de glace

Les Ponts et Palais de glace - Critique sortie Théâtre Paris Atalante


Reprise et Création / L’Atalante / d’après Tarjei Vesaas / mes Stéphanie Loïk

Stéphanie Loïk admire profondément l’auteur norvégien Tarjei Vesaas (1897-1970), que Claude Régy a contribué à faire connaître en France, et qui dans ses écrits parvient à faire affleurer l’ineffable et la fragilité de la condition humaine, au-delà des apparences, mais au cœur du monde tel qu’il est, au cœur de la nature, de sa beauté, sa puissance et ses mystères. En 2012, elle présente Palais de glace*, adapté par Joël Jouanneau, évoquant l’amitié fusionnelle qui se noue entre deux fillettes, Siss et Unn, dont l’une disparaît tragiquement. Sur scène, elles apparaissent de trois façons différentes. D’abord à travers le dialogue de deux actrices : Siss revient des années plus tard et se confronte à la tante de Unn. Ensuite à travers les voix enregistrées des fillettes, et enfin à travers la performance de deux apprenties acrobates de l’Académie Fratellini, signifiant à merveille la gémellité délicate des deux enfants. Conjuguant élan, retenue, force et grâce, leurs mouvements le long de la corde figurent l’intensité de cet amour, et peuvent aussi faire écho au monument de glace. Tous les ingrédients du théâtre se combinent pour ne pas enfermer l’imaginaire dans une interprétation psychologisante ou trop concrète, mais pour tenter au contraire de donner à voir la dimension spirituelle et cosmique de cette relation.

Rites de passage

Pour Les Ponts, créé cette année, Stéphanie Loïk conjugue à nouveau théâtre et cirque, mais cette fois en les entrelaçant – un vrai défi ! Seuls les dialogues ou presque ont été gardés du texte original, privé de sa voix narrative. Aude et Torvil sont deux très jeunes gens unis par une amitié forte et tranquille, destinés peut-être à s’unir. La découverte d’un nouveau-né mort dans la forêt voisine les bouleverse, et la rencontre avec la jeune mère Valborg les chamboule et les conduit des rives de l’enfance à celles de l’âge adulte, entre peurs, promesses et détresse. Divers rites de passage les transforment et questionnent la liberté. Crépusculaire, l’espace est sculpté par de très belles lumières. Cinq silhouettes noires – deux circassiens, doubles des personnages, et trois acteurs – dessinent un lent ballet qui laisse voir les tiraillements et les émotions qui les bousculent. Le jeu, la parole et ponctuellement le chant s’allient aux mouvements, et cet entremêlement entre jeu théâtral et corporel introduit des ruptures dans l’incarnation, une touche étrange. Les trois comédiens parviennent heureusement à insuffler beaucoup de force et de vérité à leurs personnages : Maxime Guyon est vraiment poignant dans le rôle de Torvil, et Marie Filippi et Najda Bourgeois interprètent avec finesse et maturité les rôles de Aude et Valborg.

Agnès Santi

 

*La Terrasse n°195

A propos de l'événement


du vendredi 7 mars 2014 au samedi 12 avril 2014
Atalante
10 Place Charles Dullin, 75018 Paris, France

Les Ponts, du 7 au 24 mars, lundi, mercredi et vendredi à 20h30, jeudi et samedi à 19h, dimanche à 17h, relâche mardi. Palais de Glace du 27 mars au 7 avril, mêmes heures et jours. Tél : 01 46 06 11 90. Anis Gras, 55 avenue Laplace, 94110 Arcueil. Du 10 au 12 avril. Tél : 01 40 92 12 86. Spectacle vu à l’Académie Fratellini. Durée : 1h10.


A lire aussi sur La Terrasse

  • Danse - Critique

M. et Mme Rêve

Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault [...]

Du mercredi 12 mars 2014 au 29 mars 2014
  • Classique / Opéra - Agenda

Pasdeloup et Lamoureux

Deux doyens symphoniques  parisiens jouent la [...]

Du jeudi 13 mars 2014 au 22 mars 2014
  • Théâtre - Agenda

Artaud-Barrault et Qu’est-ce que le temps ?

Le TOP accueille deux spectacles conçus et [...]

Du mardi 1 avril 2014 au 5 avril 2014