Les Misérables d’après Victor Hugo, mise en scène de Lazare Herson-Macarel

Avant Les Misérables, vous avez créé un triptyque autour des figures de la désobéissance et de la liberté, rassemblant Falstafe de Valère Novarina, Cyrano d’Edmond Rostand et Galilée de Bertolt Brecht. En quoi votre nouvelle création se distingue-t-elle pour vous des précédentes ?

Lazare Herson-Macarel : Tout en poursuivant mon exploration des grandes œuvres littéraires, j’ai abordé avec Les Misérables un continent nouveau : celui de l’adaptation. Pendant un an et demi avec Chloé Bonifay, ma collaboratrice artistique, nous avons travaillé à la transposition du roman, qui se situe dans les années 1815-1833. Notre pièce, elle, prend place à notre époque, du début du XXIème siècle à aujourd’hui. Pour être fidèles à Victor Hugo dans l’esprit, nous lui sommes infidèles dans la lettre.

Quel type d’écart entre hier et aujourd’hui avez-vous voulu mettre en avant à travers votre adaptation ?

L.H-M. : Mon désir de travailler sur Les Misérables vient d’un sentiment d’urgence que mes compagnons de théâtre et moi partageons avec Victor Hugo : la nécessité de détruire la misère. Ou tout du moins de mettre notre pierre à l’édifice d’une conscience collective. Comme à l’époque de Victor Hugo, il existe chez nous des anciens détenus qui ne retrouvent pas de place dans la société, des mères célibataires en difficulté, des enfants qui vivent dans la rue… Le théâtre peut contribuer à montrer cela.

« Pour être fidèles à Victor Hugo dans l’esprit, nous lui sommes infidèles dans la lettre. »

Quelle place prend dans votre travail la part poétique du roman de Victor Hugo ?

L.H-M. : Elle est tout aussi présente que ses dimensions politiques et sociales. En condensant le roman de 1800 pages en un spectacle de trois heures, visible par le plus grand nombre de personnes possible, Chloé Bonifay et moi avons pris garde à en conserver la complexité. Le lyrisme, et même l’onirisme d’Hugo ont toute leur place sur notre plateau, où dix comédiens créent un univers instable, où les énigmes restent sans réponse.

Vous avez pour cela opté pour une structure fragmentaire.

L.H-M. : Afin de faire exister tous les personnages principaux des Misérables, nous avons en effet développé une esthétique faite de fragments. D’abord séparés, les protagonistes qui y apparaissent finissent par se rassembler pour changer le monde, autour d’une barricade. Car bien que moins marqueuses des mouvements révolutionnaires qu’elles ne l’étaient au XIXème siècle, les barricades existent encore. C’est là l’un des exemples des parallèles entre passé et présent que nous faisons, nourris notamment par les nombreux entretiens menés avec des avocats, des policiers, des botanistes ou encore des psychiatres… Pour approcher au mieux la réalité de notre temps.

Propos recueillis par Anaïs Heluin