Théâtre - Critique

Les Justes



Ecrite en 1949, Les Justes fut créée la même année au Théâtre Hébertot
avec, entre autres, Maria Casarès, Michel Bouquet et Serge Reggiani. Le choix de
ces trois comédiens ? certes à l’aube de leur immense carrière mais sans doute
déjà plus que convaincants ? confirme un sentiment qui sourd dès les premières
répliques de la pièce : les personnages exaltés, torturés, lézardés, que Camus
porte à la scène nécessitent des interprètes faisant preuve non seulement de
puissance, mais surtout de singularité. Des interprètes qu’un metteur en scène
guide jusqu’aux failles intérieures des protagonistes, nourrissant leurs
ardentes envolées, leurs zigzags incessants entre résolutions et renoncements,
d’éclats à la fois opaques et lumineux, bien sûr de pénétration mais aussi
d’étrangeté. Car si les cinq terroristes russes ourdissant l’assassinat du
Grand-Duc Serge, pétris de doutes et de questionnements, déchirés entre
exigences éthiques et pragmatisme politique, apparaissent raides, déclamatoires,
solennels, ne reste alors du texte de Camus que bien peu de choses : effets
ennuyeusement psychologiques et dialectiques intellectuelles.

La brûlure de leurs fureurs intimes

Et il faut bien avouer que les Justes que présente Guy-Pierre Couleau
s’empêtrent immédiatement dans ces multiples travers. Ce spectacle ne trouve en
effet qu’à un seul instant le souffle du théâtre. Là où la pièce de Camus
requerrait contraste, ambivalence, pudeur, onirisme, le metteur en scène
construit le cadre terne d’une représentation manquant d’ambition. Ainsi, le « détour
par l’histoire qui convoque le présent et l’avenir
 » souhaité par l’auteur
se résume, ici, à une suite de scènes figées et outrées qui ? loin d’interroger
le public de ce début de XXIème siècle sur la possible justification de la
violence et les limites de celle-ci, loin de susciter l’empathie à l’endroit
d’êtres devant vivre la brûlure de leurs fureurs intimes et de leurs
contradictions ? tentent de passer en force avant de tomber à plat. Pourtant,
une arrivée incandescente vient subitement et tardivement illuminer ces
Justes
de son phrasé, de sa voix, de sa présence magistrale de reine
vitézienne. Dès l’entrée sur le plateau de Jany Gastaldi, le temps suspend son
cours. Ces quelques minutes de grâce ? très émouvantes ? sonnent comme un hymne
au théâtre et donnent enfin un sens à la représentation.

Manuel Piolat Soleymat

Les Justes, d’Albert Camus ; mise en scène de Guy-Pierre Couleau. Du 26
avril au 26 mai 2007. Du mercredi au samedi à 20h00, le mardi à 19h00. Matinées
exceptionnelles le dimanche 6 mai et le samedi 19 mai à 15h00. Athénée Théâtre
Louis-Jouvet, square de l’Opéra Louis-Jouvet, 7, rue Boudreau, 75009 Paris.
Réservations au 01 53 05 19 19. Spectacle vu au Théâtre de Suresnes Jean Vilar.

A propos de l'événement




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