Théâtre - Critique

Les Iles Kerguelen

Les Iles Kerguelen - Critique sortie Théâtre


Le texte d’Alexis Ragougneau est une sorte de cauchemar océanique ressuscitant Yves de Kerguelen et son équipage partis explorer les terres australes, à la fin du XVIIIe siècle, pour compléter l’immense empire français. Mais la terre battue des tempêtes qu’ils découvrent est loin de regorger des trésors attendus et n’est qu’un caillou misérable habité par des pingouins. « Le vent de l’espérance », « La colère de la terre » et « L’océan de papier » : trois mouvements pour cette épopée qui met en scène le navigateur et ses marins, Louison, sa jeune maîtresse déguisée en mousse, le naturaliste Brugnières, et Louis XV, qui agonise à Versailles pendant que les Bretons embarqués pour conquérir un fantasme finissent par se déchirer entre eux. « Pièce sur l’égarement », Les Iles Kerguelen cartographient la désolation intérieure qui ravage ces hommes victimes de leurs illusions de conquête et fait le portrait d’un homme puni pour avoir rêvé et menti.
 
Un spectacle à l’image de son objet : ambitieux mais inabouti
 
Alexis Ragougneau mêle dans son écriture le trivial et le sublime, à l’instar du hiatus qu’illustrent les aventures de son héros, empêtré entre le délire de puissance et une réalité à laquelle il se heurte violemment. Les asticots envahissent les vivres, les marins perdent leurs dents, le naturaliste perd son calme à trop convoiter les appâts de la belle Louison qui elle-même perd la raison de se voir méprisée par l’homme qu’elle aime mais qui ne la regarde plus à force de scruter l’horizon. La construction dramatique fait alterner avec une belle efficacité les épisodes maritimes et les étapes progressives de la déréliction du vieux roi de France, bouffé par la variole qui pourrit son corps à la même vitesse que le froid et la désolation entament le moral du vaisseau fantôme. Les comédiens s’emparent du texte avec une fougue et une ardeur certaines mais le jeu, très excessif, finit par les transformer en pantins criards et peu convaincants. La scénographie est inventive et l’utilisation des trappes découpées sur une scène en forme de pont est maligne mais l’interprétation, trop en force, finit par noyer dans l’uniformité clownesque les subtilités de l’évolution psychologique des personnages.
 
Catherine Robert

Les Iles Kerguelen, d’Alexis Ragougneau ; mise en scène de Frédéric Ozier. Du 24 septembre au 25 octobre 2009. Du mardi au samedi à 20h30 ; le dimanche à 16h30 ; relâche le 9 octobre ; supplémentaire le 3 octobre à 17h. Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris. Réservations au 01 43 28 36 36.

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