Avignon - Entretien / Alain Timár

Les Carnets d’un acteur / Lettre à un soldat d’Allah

Les Carnets d’un acteur / Lettre à un soldat d’Allah - Critique sortie Avignon / 2018 Avignon


Entretien / Alain Timár
Théâtre des Halles

Quelles rencontres ou quelles envies sont à l’origine de ces deux seuls en scène ?

Alain Timár : Pour ce qui concerne Les Carnets d’un acteur, ce projet est né d’un désir de longue date de travailler avec Charles Gonzalès. C’est vraiment un très bel acteur, un artiste que je trouve rare dans le paysage théâtral français. Nous avons beaucoup discuté ensemble, avons envisagé différentes éventualités, avant de finalement imaginer l’histoire d’un comédien. Un comédien qui ne travaille pas beaucoup et qui, pour gagner sa vie, accomplit toutes sortes de tâches au sein d’un théâtre. Un jour où il n’y a pas de représentation, ce personnage solitaire monte sur scène et dit au monde, devant une salle vide qu’il imagine pleine, ce qu’il a en lui…

Ce qui nous donne l’occasion d’entendre différents textes…

A.T. : Oui, des pièces de Shakespeare, Les Carnets du sous-sol et Le Rêve d’un homme ridicule de Dostoïevski, mais aussi des extraits des Psaumes et du Qohélet de l’Ancien Testament. Et puis, en ce qui concerne Lettre à un soldat d’Allah, qui est un texte politique extrêmement engagé, l’idée de le mettre en scène est tout simplement venue du choc que j’ai ressenti en découvrant l’œuvre de son auteur, l’écrivain berbère algérien Karim Akouche.

« La relation que l’on peut entretenir avec la beauté des mots et du théâtre permet d’avoir les bons outils pour parler de l’état du monde. »

Comment pourriez-vous caractériser ce choc ?

A.T. : Je dirais que ça a été un choc révélateur et salutaire. J’ai en effet découvert un auteur qui disait ce qu’il avait à dire sur les extrémismes, qu’ils soient du côté de l’Occident ou de l’Orient. Karim Akouche met en effet en cause aussi bien les dérives des sociétés capitalistes et consuméristes que l’obscurantisme menant à la barbarie du djihad. Mettre en scène Lettre à un soldat d’Allah – Chroniques d’un monde désorienté (ndlr, publié aux Editions Ecriture) s’est imposé à moi comme une urgence. Je me suis donc mis à chercher quel acteur pouvait être capable de défendre ce texte. Et j’ai pensé à un comédien d’origine kabyle que je trouve formidable, Raouf Raïs, un acteur qui a pour lui la jeunesse, la fougue et la sensibilité.

En termes de mise en scène, qu’est-ce qui distingue chacune de ces deux propositions ?

A. T. : Je dirais que l’une est plus épurée que l’autre. Dans Les Carnets d’un acteur, c’est tout un monde de théâtre qui se déploie. La scénographie, quoique sobre, installe des choses représentatives de l’univers théâtral : des mannequins, des costumes… Lettre à un soldat d’Allah est davantage une parole à dire. Raouf Raïs adresse ce texte directement aux spectatrices et spectateurs qui lui font face, sans quatrième mur. La situation qui s’ouvre à nous est plus simple, même si elle est également prise en charge par un personnage qui nous raconte une histoire.

Diriez-vous que ces deux créations empruntent des chemins différents : l’un plus poétique, l’autre plus politique ?

A. T. : Oui, bien sûr, c’est ce qui apparaît immédiatement. Mais j’ai envie de dire que ces deux dimensions ne sont pas contradictoires, elles ne s’excluent pas l’une l’autre. Le monde intérieur que l’on peut développer, cette richesse intime puisant dans l’amour des mots et de la littérature, fait que lorsqu’on s’ouvre à l’extérieur, on peut d’autant plus être impliqué dans la société. Le monde poétique n’est pas forcément un monde clos, bien au contraire. La relation que l’on peut entretenir avec la beauté des mots et du théâtre permet d’avoir les bons outils pour parler de l’état du monde.

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement


Les Carnets d’un acteur / Lettre à un soldat d’Allah
du vendredi 6 juillet 2018 au dimanche 29 juillet 2018

Avignon Off. Théâtre des Halles, rue de Roi René

à 14h (Lettre à un soldat d’Allah), à 17h (Les Carnets d’un acteur). Relâches les lundis 9, 16 et 23 juillet. Tél. : 04 32 76 24 51.


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