Passim
Trois ans après Onzième, François Tanguy [...]
Dans un « essai de cirque » qui s’inspire du mythe de Sisyphe, Fragan Gehlker se confronte au vide, qui aspire l’être, entièrement, essentiellement.
Une étrange sensation de l’espace, immense, qui pèse tout autour, porte le corps et pourtant se dérobe. Sans doute aussi la tentation du gouffre, vision d’un ailleurs, par delà la pesanteur et la contingence des matières. Et toujours, ce désir de vaincre la fatalité, défier l’inéluctable, apprivoiser la chute, la peur, le risque, l’inconnu. Et toujours cette quête insensée, entre ascension et néant, répétition infinie du battement de la vie… Peut-être est-ce là le vertige de l’absurde, dans le cheminement d’un homme qui grimpe sur une corde, se hisse tout en haut, et puis chute. Et recommence. Faire, refaire, refaire encore. Encore. « Toujours essayer. Toujours échouer. Pas grave. Essayer à nouveau. Echouer à nouveau. Mieux échouer. » écrivait Beckett, dans Cap au pire.
Rêve d’échappées belles
C’est au Centre national des arts du cirque, en 2009, que Fragan Gehlker a débuté cet « essai de cirque », inspiré du mythe de Sisyphe, de Camus : une réflexion en acte autant sur le risque, la peur et la mort, sur la performance sans autre finalité qu’elle-même qui caractérise le numéro traditionnel, que sur l’apprentissage quotidien, fondé sur la répétition du même geste jusqu’à une parfaite maîtrise. Suspendue à la coupole, la corde lisse, son agrès, trace un lien entre le haut et le bas. Elle est aussi mouvante, tantôt droite, tendue, tantôt sinueuse, nouée, enchevêtrée, comme le chemin, l’ascension, l’épreuve. Accompagné au sol par le musicien Alexis Auffray, qui compose aux violon, radio-k7, micro et bande magnétique, Fragan Gehlker pousse le déséquilibre à son extrême limite. Il hésite entre plusieurs cordes, soit autant de possibles, qui tombent les unes après les autres, soit autant d’utopies, qui parfois se fracassent, parfois tiennent, trahissent la condition de l’existence, tracent la voie d’une construction de soi. C’est donc une lutte déraisonnable pour s’élever malgré la pesanteur, malgré l’inutilité de cette volonté, malgré le poids du rationnel qui toujours nous ramène vers le sol. Recréée in situ selon l’architecture du théâtre Monfort, reconfiguré pour l’occasion, la performance donne corps par métaphore aux propos de Camus : « L’absurde naît de la confrontation de l’appel humain avec le silence déraisonnable du monde. ».
Gwénola David
A 20h30, relâche dimanche et lundi. Tél. : 01 56 08 33 88. Soirée exceptionnelle dans le cadre de Nuit Blanche le 4 octobre. Puis en tournée, notamment du 17 au 19 octobre au festival Circa (Gers).
Trois ans après Onzième, François Tanguy [...]