Pourquoi ainsi associer Hypérion à la jeunesse ?
Marie-José Malis : Parce qu’il s’agit fondamentalement, je crois, d’une œuvre pour la jeunesse. Le roman vise à rétablir un monde jeune, à redonner une jeunesse vivifiante au monde. Sous-jacente, se tient la question de la place que nous donnons à notre jeunesse, dans notre monde actuel assez comparable à celui de Hölderlin. Hypérion porte l’élan, l’aspiration, le désir de vraie vie qui devrait être la tonalité du monde. A l’époque de Hölderlin, le monde a vécu une tentative révolutionnaire portée par la France, et immédiatement reniée par un obscurcissement réactionnaire où l’idée d’un possible politique est rejetée, voire moquée. La générosité politique est méprisée ; on affirme qu’il n’y a rien d’autre à faire qu’à vivre dans le moindre mal ; l’intelligence consiste à n’être dupe de rien ; règne la haine de l’élévation, de l’absolu, de l’infini ainsi que l’ironie et le ressentiment ; et le désir sincère de croire à autre chose est suspect ou imbécile. Ce monde par défaut, qui se refuse à vouloir être pleinement, est défensif et terrible.
Qui est Hypérion ?
M.-J. M. : Hölderlin a choisi un héros grec qui lui permet de retourner vers l’idée de la Grèce et celle d’Athènes comme foyer d’une politique merveilleuse où chacun pouvait participer au bonheur de tous. Son héros est un Grec moderne qui vit dans une Grèce asservie, occupée par les Turcs. Le jeune Hypérion rêve de libérer son pays. Il tente l’action politique et échoue atrocement. Son échec est le même que celui de la Révolution française. Comment ne pas nier l’échec des tentatives révolutionnaires tout en demeurant fidèle à leur idée ? Comment affirmer qu’elle reste une idée pour nous, malgré la défiguration des échecs ? Comment examiner ces échecs pour comprendre ce qui leur a manqué, et dire, comme Hölderlin à la fin du roman : « A bientôt la suite » ?
Comment portez-vous ce roman au théâtre ?
M.-J. M. : Nous avons essentiellement conservé les passages déclaratifs où Hypérion et ses compagnons s’adressent au siècle, et discutent entre eux d’une organisation politique à se donner. Hypérion essaie d’établir avec certitude que la nature humaine est capable du plus haut, ce qu’il appelle le divin en l’homme. Le texte est fort, violent, car il souligne ce qui est mort dans le présent et l’obligation de nous séparer des illusions du vieux monde qui nous empêchent d’avancer. Le principe de mes scénographies est toujours duel, dialectique. Un premier aspect va renforcer l’idée que nous sommes au théâtre en sur-matérialisant sa présence et son architecture. Un second aspect très réaliste, figuratif, matérialisera une rue méditerranéenne d’aujourd’hui, très fidèle à la bâtardise du monde présent. Comme en Grèce, en Egypte, avec une sorte de foutoir de signes mélangeant l’Orient et l’Occident, entre pauvreté et modernité. La Salle Benoît-XII ressemble à celle du Théâtre de la Commune, où le spectacle sera repris à la rentrée. J’aime ces salles qui portent les traces de l’histoire du théâtre public. Le théâtre, en ces lieux comme en ses textes, est une chaîne historique : jouer là où le théâtre parle d’un autre temps fait apparaître avec plus de force l’acuité du présent.
Propos recueillis par Catherine Robert
Festival d’Avignon. Salle Benoît-XII. Du 8 au 10 et du 12 au 16 juillet à 18h. Tél. : 04 90 14 14 14. Durée : 3h.
La compagnie Astrov monte Dom Juan et Le [...]
François Deschamps a longtemps œuvré pour [...]
Maria Clara Villa Lobos a encore frappé : la [...]