La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2015 - Entretien Fabrice Melquiot et Robert Bouvier

Le Poisson combattant

Le Poisson combattant - Critique sortie Avignon / 2015 Avignon Théâtre Girasole
© Cosimo Terlizzi Robert Bouvier dans Le Poisson combattant, texte et mise en scène de Fabrice Melquiot.

Théâtre Girasole / texte inédit et mes de Fabrice Melquiot / interprétation Robert Bouvier

Publié le 26 juin 2015 - N° 234

Un couple se sépare. Juste avant le départ de l’homme, le poisson de sa petite fille fait le grand saut hors du bocal. L’homme cherche où l’enterrer et sa quête existentielle suit un parcours tumultueux. Explications par Fabrice Melquiot, qui signe texte et mise en scène, et Robert Bouvier, interprète.

De quelle manière ce texte évoque-t-il la question de la séparation ?  Que vient faire dans cette fable le poisson combattant ?

Fabrice Melquiot : Ce qui m’intéressait, c’était d’observer une structure qui vole en éclats, et d’en organiser l’explosion. De quelles autres structures, plus archaïques, accouche-t-elle, en s’affaissant ? Le texte parle davantage de solitude et de communauté, de mensonge et de vérité, que d’amour. On est après l’amour. Dans la décomposition d’un projet, la composition d’un autre. Le nouveau projet qui apparaît au personnage qu’incarne Robert Bouvier peut sembler fantaisiste, puisqu’il s’agit d’enterrer le poisson combattant de sa fille, de lui trouver sa place de mort sur terre ; cette quête est pourtant fondatrice d’un nouvel état de soi et d’un nouvel état des choses. Le poisson permet à l’homme de remonter le cours d’un fleuve intérieur. Il ne sait pas où ce poisson va le mener. Mais c’est devenu la chose la plus importante de sa vie.

« Ecrire et mettre en scène un monologue, c’est choisir de faire poème de quelqu’un, avec quelqu’un. »Fabrice Melquiot 

« Un homme en métamorphose comme… le comédien ! » Robert Bouvier 

Robert Bouvier : Cet homme tente de recomposer le puzzle qui le constitue au risque d’assembler différemment les pièces, au risque de ne plus s’y reconnaître ou même de découvrir qu’il est inachevé. Fabrice m’a beaucoup parlé de cette énergie qu’offre un spectacle pour élargir la conscience du vivant, entretenir cette envie de vie, cette liberté d’action que le théâtre exalte ! Son récit est aussi celui de l’apprentissage de la force, une exhortation à se relever.

En quoi est-ce un texte relié à l’enfance ?  

R. B. : Cette histoire est celle d’une quête et la réponse se trouve peut-être au cœur de l’enfance du monde, ou dans l’enfance du personnage, cet enfant qui continue à vivre au-dedans de lui. Nous sommes constitués d’identités superposées, ces mues jamais définitives, qu’il s’agit de réconcilier parfois. Et la régénération de l’adulte passe par son lien à l’enfance. Le protagoniste est un homme en métamorphose comme… le comédien ! Accompagné par des fantômes, projections, doubles indéfinis, rôles éphémères, je joue depuis l’enfance, depuis mes manques, mes peurs, mes illusions, mon envie de tout embrasser, de mieux aimer, mieux comprendre, mieux ressentir, et renaître encore et toujours.

F. M. : L’écriture a toujours selon moi quelque chose à voir avec l’enfance, avec l’inachevé, avec ce que nous avons laissé là-bas, oublié, abandonné, ce grand chantier des intensités qu’on cherche à rebâtir au théâtre.

Quelle est la scénographie du spectacle ? Et son univers sonore ?

R. B. : Chaque répétition de notre spectacle s’est déroulée en présence du créateur de l’univers sonore. Quant à la scénographie, elle peut évoquer une bulle de pensée, l’espace intérieur de l’homme. Le protagoniste est cinéaste, en mal d’images, de sensations, d’histoires… Et l’espace cherche l’ambigüité, le hiatus, la syncope, la rupture ! Un jour Fabrice m’a évoqué la toile de Picasso : le portrait de Dora Maar, un visage de femme que le peintre montre simultanément sous plusieurs angles. C’est, je crois, une sensation assez proche de cet effet qu’il a cherché à traduire dans ce spectacle.

Pour quelles raisons avez-vous destiné ce texte à Robert Bouvier ?

F. M. : Robert est plein d’ambiguïtés, de contradictions ; il n’a pas qu’un visage, pas qu’un âge. Il est à la fois très gracieux et très gauche, très puissant et très fragile. Depuis longtemps nous évoquions la perspective de travailler ensemble un jour. Le théâtre est aussi un art de l’amitié. On peut s’y choisir des frères, des sœurs de pensée et d’artisanat. Ecrire et mettre en scène un monologue, c’est choisir de faire poème de quelqu’un, avec quelqu’un.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Le Poisson combattant
du samedi 4 juillet 2015 au dimanche 26 juillet 2015
Théâtre Girasole
24 Rue Guillaume Puy, 84000 Avignon, France

Avignon Off. 

à 19h15. Tél : 04 90 82 74 42.

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