Avignon - Entretien Hervé Petit

Le mouvement de l’écriture « immédiatement dramatique »

Le mouvement de l’écriture « immédiatement dramatique » - Critique sortie Avignon / 2009


Qu’est-ce qui vous a motivé pour monter ce texte ?
Hervé Petit :
C’est en tant qu’acteur et non en tant que metteur en scène que j’ai voulu porter ce texte à la scène. Dans ce récit inachevé, écrit en 1923 peu de temps avant la mort de l’écrivain, le narrateur est un être mi-animal mi-homme dans son terrier. Il décrit ce terrier avec minutie, et chaque jour, le construit et l’entretient. Ce qui m’a immédiatement subjugué, c’est moins cette histoire fantastique que la façon dont elle se raconte et progresse. J’ai eu envie de dire ce texte à cause de son écriture immédiatement dramatique : c’est une écriture qui avance, qui laboure le sol, rhétorique au point d’en devenir parfois quasiment drôle.  Le mouvement de cette écriture radicale, dénuée d’anecdotes et de réalisme, a pour moi quelque chose à voir avec le théâtre, avec une expérience d’acteur. J’ai choisi la traduction de Bernard Lortholary, la moins naturaliste et la plus compliquée, la plus rhétorique aussi, qui crée parfois des effets comiques.

« Ce qui m’a immédiatement subjugué, c’est moins cette histoire fantastique que la façon dont elle se raconte et progresse. »

Comment le texte est-il structuré ? Distinguez-vous un processus dramatique ?
H. P. :
Le texte est structuré en deux parties. Dans la première, le narrateur raconte son quotidien, les difficultés et les inquiétudes comme le bonheur de ce terrier. Le bonheur d’être seul, comme un enfant ou un clown qui affabule et peut permettre à sa propre anarchie d’advenir. Le danger est alors diffus, extérieur, et le terrier constitue un refuge, un cocon ou un ventre. Puis dans une seconde partie, un sifflement obsédant, impossible à localiser, augmente la tension dramatique et l’anxiété du narrateur. Son univers se resserre complètement dans la seule crainte  de ce bruit, et le danger est au présent. En cherchant à repérer ce bruit, le narrateur détruit le terrier.

Comment comprenez-vous ce texte ?
H. P. :
Je suis surtout intrigué par un mouvement d’écriture, mais pour moi comprendre le texte n’est pas fondamentalement intéressant pour le monter. Bien sûr je n’ai pas pu m’empêcher de lire d’autres textes comme le Journal, les Lettres à Félice… « Un peu de chant au-dessous de moi, quelques portes qui claquent dans le corridor et tout est perdu. » lit-on dans le Journal, ce qui fait écho au Terrier.  Ou encore : « Sisyphe était célibataire. »… L’œuvre explore les thèmes de l’angoisse et du bien-être de la solitude, ou encore le processus de création artistique. En le jouant, j’ai pensé au Désert des Tartares de Dino Buzzati, où les militaires dans une forteresse attendent voire même désirent l’ennemi pendant toute une vie. Kafka me dépasse : le flux et le rythme de cette écriture, où transpirent la paranoïa et une infinie solitude, expriment une tension dramatique obsessionnellement précise, extraordinaire.

Propos recueillis par Agnès Santi

Le Terrier de Franz Kafka, traduction Bernard Lortholary, conception et interprétation Hervé Petit, collaboration artistique Antoine Roux, du 8 au 31 juillet à 14h20 au Collège de la Salle, Place Pasteur. Tél : 04 90 82 47 60.

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