Théâtre - Entretien

Laëtitia Guédon et Jean-Baptiste Moreno / Les Plateaux Sauvages

Laëtitia Guédon et Jean-Baptiste Moreno / Les Plateaux Sauvages - Critique sortie Théâtre Paris Le Carreau du Temple


Laëtitia Guédon et Jean-Baptiste Moreno / Les Plateaux Sauvages

Quel est le projet des Plateaux sauvages ?

Laëtitia Guédon : J’ai été nommée à la direction des Plateaux sauvages en mai 2016 et j’ai intégré les lieux en septembre, avec ce projet imaginé en cohérence avec mon parcours de metteure en scène à partir de deux constats : les carences constatées alors que je dirigeais une compagnie émergente et l’importance du travail de territoire que j’avais mené avec Jean-Baptiste Moreno, rencontré au Théâtre de la Commune. Les Plateaux sauvages accompagnent, chaque année, quatorze compagnies dans leur processus de création. La moitié d’entre elles ne sont pas connues, les autres sont plus confirmées. Nous mettons à leur disposition des outils pour développer leurs projets : espaces de répétition, atelier de construction de décors, soutien administratif et de diffusion. Le point commun de ces compagnies, c’est qu’elles portent un second projet de partage de leur création avec le territoire. Ce n’est pas de l’action culturelle, c’est de la transmission artistique, avec des projets qui infusent sur ce territoire, le quartier des Amandiers, dans le 20ème arrondissement, un des derniers bastions populaires à Paris, entre Ménilmontant et le Père Lachaise. En même temps, le lieu est ouvert à l’ensemble des Parisiens et à tous les publics. C’est un lieu de vie.

Comment concevez-vous la transmission artistique ?

Jean-Baptiste Moreno : Dans l’horizontalité plutôt que dans la verticalité ! Avec des artistes qui ont le désir de partager. Nous menons d’ores et déjà dix-sept projets avec énormément de structures, des écoles, des collèges, des associations, des centres sociaux. De l’écolier au retraité, nous provoquons les rencontres avec les artistes et la diffusion artistique est aussi importante que la création. Le partage s’organise en amont et pendant la résidence, avec le plus d’échanges et d’allers-retours possibles, chacun trouvant une place égale dans la rencontre.

Comment les travaux accompagnent-ils votre projet ?

L.G. : Les travaux vont permettre la réunion de deux lieux. L’ancien 20ème Théâtre, rue des Plâtrières, et le centre d’animation des Amandiers. Nous renouons ainsi avec le projet architectural d’origine de Jean Dumont, qui avait construit un ensemble sans séparation, conçu pour permettre la porosité entre les pratiques professionnelles et les pratiques des amateurs. On hérite donc de trois mille mètres carrés sur quatre demi-niveaux avec un patio, des espaces verts, et la salle de deux cent cinquante places. On en construit une deuxième au sous-sol, avec des gradins modulables. Il y aura aussi énormément de salles à mettre à disposition pour le travail à la table, les répétitions, etc. Les travaux servent à réunir et réhabiliter les deux lieux, pour un bâtiment très en prise avec la société dans laquelle il est inscrit, à la fois caché et vaste à l’intérieur. Les travaux durent jusqu’à la mi-saison pour une livraison prévue entre janvier et avril 2018. Pendant ce temps, on a fait le pari de ne pas arrêter les activités. Les Plateaux sauvages sont un lieu d’imperfection et de tentative : nous partageons donc avec le public les gravats et la poussière ! En attendant, des lieux amis nous accueillent (le Cenquatre, la Colline, le Grand Parquet, le Carreau du Temple, le Tarmac) : ils ont ouvert leurs portes et leurs bras aux gitans du théâtre public que nous sommes ! Une vingtaine d’ateliers sont aussi déployés dans le quartier, hors les murs, avec environ deux cents inscrits. Nous avons aussi le projet d’un bar dirigé par de jeunes chefs, d’une librairie, et la Maison Antoine Vitez va s’installer chez nous.

En janvier, la programmation des Plateaux sauvages est au Carreau du Temple…

J.-B. M. : Avec Elle voulait mourir et aller à Paris…, de Joachim Latarjet, qui interroge ses racines et la cassure voulue par sa mère qui s’est immergée dans la culture française en rompant avec sa culture d’origine. A cette occasion, nous inaugurons notre billetterie responsable. Nous avons longuement réfléchi à la manière de convoquer le public. Nous voulions que les spectateurs fassent un pas de côté par rapport aux pratiques habituelles. Avec la tarification responsable, ils choisissent de payer le prix de la place entre cinq et trente euros, en fonction de leurs revenus. Ils ne sont plus consommateurs mais acteurs de leur sortie. On peut aussi choisir de prendre un billet suspendu, pour une personne qui n’en a pas les moyens. Il s’agit de créer une communauté solidaire de spectateurs pour que l’argent ne soit pas un frein. On passe ainsi de la consommation au soutien.

Comment définir votre programmation ?

L.G. : Je revendique une créolisation de la programmation, sans fil rouge esthétique ou générationnel. L’émergence n’a pas d’âge. Ce qui lie les artistes de cette saison, c’est leurs recherches autour de l’identité. Ce n’est pas un choix de départ : cela s’est révélé au fur et à mesure des rencontres et cela donne des endroits de partage magnifiques avec les habitants du territoire. « Faire du théâtre, c’est partir de soi. », disait Antoine Vitez. Je revendique cette définition en pensant qu’il faut la prendre dans toute sa polysémie.

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement


Laëtitia Guédon et Jean-Baptiste Moreno / Les Plateaux Sauvages
du lundi 8 janvier 2018 au dimanche 14 janvier 2018
Le Carreau du Temple
4 Rue Eugène Spuller, 75003 Paris, France

Elle voulait mourir et aller à Paris… (textes de Joachim Latarjet et Alban Lefranc, mes Joachim Latarjet). Du 8 au 14 janvier 2018 à 19h30 (sauf dimanche à 16h et relâche le samedi). Reprise aux Plateaux Sauvages, du 14 au 17 mai à 20h. Les Plateaux sauvages, 5 rue des Plâtrières, 75020 Paris. Tél. : 01 40 31 26 35. Site : www.lesplateauxsauvages.fr


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