Théâtre - Critique

La Confusion des sentiments

La Confusion des sentiments - Critique sortie Théâtre


Considéré par son ami Romain Rolland comme « le plus tragique et le plus humain » des romans de Stefan Zweig, La Confusion des sentiments croise deux thèmes chers à son auteur : la passion de l’esprit et celle du cœur, l’éveil de l’intelligence et la révélation de l’amour. Entre le jeune Roland, exilé en province pour rompre avec sa jeunesse libertine et se consacrer à l’étude, le professeur génial et exalté qui le prend sous son aile qui devient de plus en plus étouffante et la femme de ce dernier qui protège maladroitement la proie des appétits libidinaux que son époux tâche vainement de sublimer, se joue une partie cruelle où les relations, les attachements et les évitements prennent des allures tauromachiques. Thierry Debroux a adapté avec autant de liberté que de respect le roman de Zweig. Fidèle à sa structure narrative, il confie à une voix off le rôle d’un Roland rapportant, au soir de sa carrière universitaire, le récit de cet événement amoureux qui traça le chemin de sa vie, et choisit d’ajouter à l’histoire de cette passion fatale des extraits de Shakespeare, le maître du maître, suggérant ainsi très finement les dangers d’un bovarysme délétère qui confond de façon mortifère la vie et la littérature.
 
Le combat avec le démon
 
Intelligemment servi par la fluidité de la mise en scène et les lumières de Laurent Kaye, ce tuilage permet de dynamiser le récit et d’offrir au théâtre l’occasion de sa propre mise en abyme dans une belle et efficace unité. L’espace scénique a les allures d’un ring qu’entourent des bandes verticales de tissu, à la fois accessoires et éléments de décor, qui permettent des entrées et des sorties rapides et évoquent l’enfermement de la confusion sentimentale qui dévore les trois protagonistes de ce combat avec le démon. Pierre Santini campe un professeur léonin et le charisme habituel de ce comédien aux allures de portefaix est très habilement maîtrisé : Santini suggère adroitement le conflit intérieur du personnage entre une passion dévorante et le corset d’un surmoi, d’une fonction et d’une société lui interdisant de l’assouvir. Muriel Jacobs incarne avec une belle sensibilité la femme du malheureux, à la fois victime et bourreau de celui qu’elle sait prisonnier d’attachements dont elle n’est ni l’objet ni la complice mais plutôt la rivale méprisée et défaite : l’amour des livres et celui des beaux garçons. Quant à Nicolas d’Oultremont, il est fort crédible en Roland, celui par qui le scandale arrive, tortionnaire malgré lui de l’homme qui le torture. Rondement et finement mené, ce spectacle constitue un joli moment de théâtre et un bel hommage à l’art de la dissection psychologique du grand romancier qui l’inspire.
 
Catherine Robert

La Confusion des sentiments, d’après Stefan Zweig ; adaptation et traduction de Thierry Debroux ; mise en scène de Michel Kacenelenbogen. Du 17 mars au 30 avril 2010. Du mercredi au vendredi à 20h30 ; samedi à 17h et 21h ; dimanche à 15h. Théâtre Mouffetard, 73, rue Mouffetard, 75005 Paris. Réservations au 01 43 31 11 99. Durée : 1h30.

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