Théâtre - Critique

La Chambre 100



Ils sont cinq. Cinq êtres en lutte. Contre l’ennemi sournois qui aspire
tranquillement la sève. Contre la médicalisation des sensations réduites à des
symptômes. Contre l’aseptisation de la chair, devenue tissu organique, palpé,
badigeonné, anesthésie, découpé, réparé. Cinq corps lentement corrodés par le
cancer, usés dans la poussière d’une vie de labeur ou scarifiés par la négation
anorexique. Ces cinq-là disent le bouleversement au plus profond d’eux-mêmes,
dans les entrailles endolories de l’âme. Ils tentent de glisser dans l’étroit
goulot des mots la perception du corps morcelé par la maladie. Ils racontent,
chuchotent, souvent rient. Apprennent à dire « je ». Car les paroles ici
recueillent l’écume du quotidien, ces menus faits, ces impressions, ces
incompréhensions qui trahissent la dureté et la cruelle beauté de l’existence.
« Cette pièce est née d’un choc, celui que j’ai reçu lorsque j’ai mené des
ateliers d’écritures dans différents services hospitaliers,
explique Vincent
Ecrepont. L’expérience m’a profondément bouleversé et conduit à questionner
ces non-choix que sont souvent les habitudes et à réorienter mes priorités pour
me concentrer sur l’essentiel. Comme dit Paul Ricoeur, le plus court chemin de
soi à soi, c’est l’autre
. ».

Sans complaisance morbide et doloriste

A partir des témoignages pudiquement recueillis, Vincent Ecrepont a tissé une
partition délicate, lucide, rythmée en une vingtaine de soliloques qui sonnent
comme des confessions glissées au creux du c’ur. Sans complaisance morbide et
doloriste. Sans pathos. Pierre Giraud, Jana Klein, Ariane Lagneau, Philippe
Quercy et Josée Schuller portent le texte avec retenue, avec justesse. Ils
dévoilent le cheminement vers cette lente reconstruction de soi par le verbe,
vers une autre conscience de vie, recentrée sur l’essentiel. Peu à peu se nouent
des relations d’entraide, de consolation, de renaissance aux autres et à soi.
Tantôt dans l’incarnation, tantôt en distance avec leur personnage, les
comédiens laissent aussi parler le mouvement, la présence, le silence. La mise
en scène, généreuse, parfois maladroite, s’émancipe de la figuration et s’appuie
sur une astucieuse scénographie architecturée par des garde-corps, qui isolent,
contraignent ou protègent. « Ce théâtre-là ne prétend délivrer aucun message.
Il invite chacun à porter un regard sur ce qu’il vit.
 », dit l’auteur et
metteur en scène. N?est-ce pas cela, au fond, la raison du théâtre : poser des
questions qui chercheront des réponses dans nos vies.

Gwénola David

La Chambre 100, texte et mise en scène de Vincent Ecrepont, du 26 au 28
avril, à 20h30, au Hublot, 87 rue Félix Faure 92700 Colombes. Rens. à L’Avant-Seine
– Théâtre de Colombe 01 56 05 00 76 et
www.lavant-seine.com. Spectacle vu au
festival Off d’Avignon. Durée : 1h

A propos de l'événement




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