La célèbre actrice Eleonora Duse mise à l’honneur au cinéma
Sortie Film / Ad Vitam Distribution / le 14 janvier
Publié le 17 décembre 2025 - N° 339Avec dans le rôle-titre l’éblouissante et poignante Valeria Bruni-Tedeschi, Pietro Marcello n’offre pas seulement un portrait somptueux de la divine actrice italienne Eleonora Duse (1858-1924), alors que la fin se rapproche. Il active aussi une réflexion sur l’art, à l’aube d’un siècle de dévastation. Le film fut sélectionné lors de la dernière Mostra de Venise.
Libre, responsable, vivante… Comme Ellida, la mystérieuse Dame de la mer, l’une des héroïnes d’Ibsen qu’Eleonora Duse interprète triomphalement dans le sublime Théâtre de la Fenice à Venise. Comme Eleonora Duse elle-même, méconnue en France mais aussi illustre que Sarah Bernhardt, magistralement interprétée par l’ardente Valeria Bruni-Tedeschi. Atteinte de la tuberculose, ruinée, absente des théâtres depuis 10 ans, la Duse décide de remonter sur scène dans le rôle d’Ellida, endossant une robe bleue majestueuse qu’elle retouche afin de couvrir son cou. Le travail : « mon poison, mon oxygène, mon remède » confie-t-elle alors que le repos s’impose. Tout au long du film, la comédienne n’est ni sur un piédestal ni dans une tour d’ivoire : entre joie et affliction, elle est sans cesse en prise avec un réel difficile à appréhender, plongée dans des relations conflictuelles, tiraillée entre des aspirations contradictoires. Pietro Marcello éclaire avec finesse et tranchant la relation douloureuse entre la mère et la fille (Noémie Merlant), mais aussi la relation pathétique qui unit la Duse et le poète Gabriele D’Annunzio (Fausto Russo Alesi). « La poésie est plus lente mais va plus loin que la guerre. » lance-t-elle à Gabriele. Face à l’avènement du fascisme, sa liberté sera-t-elle « empaillée » ? Taraudée par une immense ambition éprise d’idéal, secondée par la présence attentive de sa gouvernante (Fanni Wrochna), Eleonora est un astre qui n’a rien d’une star, tant elle conjugue force et vulnérabilité, de plus en plus consciente de la fin qui approche.
Une quête ardente, profondément humaine
Aucune trace directe ne subsiste de l’art de la Duse, si ce n’est l’immense admiration qu’il a suscitée. Tchekhov, Pirandello, Bernard Shaw, Rilke, mais aussi Stanislavski et Lee Strasberg l’applaudirent. Si le film dessine le portrait de la Duse, actrice, femme et mère, il active aussi une réflexion profonde sur le lien au public (en particulier lors d’une scène savoureuse avec sa rivale Sarah Bernhardt, interprétée par Noémie Lovsky), le rapport au pouvoir, dans une période transitoire, intranquille, à l’aube d’un siècle marqué dès son début par la dévastation. Fort d’une expérience qui commença par la réalisation de films documentaires, Pietro Marcello accorde une importance essentielle aux mouvements de l’Histoire, et ponctue intelligemment le film de quelques scènes d’archives marquantes. Dont à plusieurs reprises celle de ce train orné de fleurs transportant la dépouille du soldat inconnu italien, dont le passage est salué par une vaste foule. La Grande Guerre vient de s’achever (37 millions de victimes), Mussolini assoit son pouvoir, de plus en plus acclamé par une multitude de chemises brunes. Servi par une superbe photographie, le film laisse cours au mouvement, à une méditation sur l’expression de l’art et les choix des artistes face à l’adversité, face à l’avancée du fascisme. Surtout, ce que le film saisit, et qui touche au cœur, c’est qu’avant que la vie ne devienne poussière, la Duse ne se repose pas : elle poursuit une quête infinie, incessante, faite d’enthousiasmes et tourments, profondément humaine.
Agnès Santi
A propos de l'événement
Eleonora Dusedu mercredi 14 janvier 2026 au mercredi 14 janvier 2026
