La Cantatrice chauve

Cette reprise de La Cantatrice chauve ne sera pas la dernière avant l’oubli. Si c’est l’ultime fois que l’on pourra voir la mise en scène de la pièce de Ionesco avec les comédiens de la troupe de Jean-Luc Lagarce, celle-ci est en effet d’ores et déjà inscrite dans les annales de l’histoire du théâtre. Grâce, entre autres, à ses deux reprises antérieures à l’Athénée – en 2006, à l’occasion de l’Année Lagarce, et en 2009 – et à la captation coproduite par Arte. Sous le regard extérieur de François Berreur, également acteur de la pièce en alternance avec Christophe Garcia, c’est donc un morceau de patrimoine bien vivant que nous offrent Mireille Herbstmeyer, Olivier Achard, Jean-Louis Grinfeld, Emmanuelle Brunschwig et Marie-Paule Sirvent.

Ionesco à l’ère de Dallas

On retrouve le décor utilisé par la compagnie La Roulotte de Jean-Luc Lagarce, racheté et rafraîchi après sa mise en liquidation judiciaire en 1998. Soit une façade de maison aux couleurs acidulées, entourée d’un carré de pelouse synthétique où les Smith et les Martin se répandent en propos ineptes. Si Eugène Ionesco visait avec son théâtre de l’absurde les schémas stéréotypés du théâtre de boulevard, c’est à la série télévisée que s’attaque la mise en scène de Jean-Luc Lagarce. Aux soap operas comme Dallas, dont nos chaînes actuelles diffusent bien des dérivés. Vingt-six ans après sa création, cette Cantatrice est donc encore dans la force de l’âge. Pleine d’un humour qui laisse deviner un désespoir. Une interrogation sur l’ère du temps.

Anaïs Heluin