Kassandra Fukushima : écoutons la prophétie

Environ un mois après la catastrophe nucléaire de Fukushima, Jacques Kraemer a écrit cette pièce en se fondant sur L’Orestie d’Eschyle, et principalement sur ce moment bouleversant où Cassandre, appelée par Clytemnestre dans les thermes, franchit la porte et sait qu’elle va être assassinée. « En une sorte de dilatation du temps tragique, j’ai imaginé que Cassandre voyait une catastrophe future environ cinq mille ans plus tard, un cauchemar fondé sur l’existence de tous les arsenaux nucléaires disséminés dans le monde. » confie le metteur en scène. Kassandra Fukushima fait suite à Prométhée 2071, qui évoquait le réchauffement climatique, et les deux volets visent à la mise en garde, à l’exposition des dangers qui menacent l’humanité par le prisme de la scène.

Voix du passé et du futur

L’homme est un animal étrange : pleinement conscient des périls et menaces, il les relègue dans une sorte de non urgence et ne réagit pas. « Ces pièces nourries de textes antérieurs et de mon imaginaire mettent en forme une sorte de fusion-déflagration entre le théâtre antique et notre actualité. » Ainsi, seule en scène dans un univers blanc comme le deuil, la prophétesse se confronte à la destruction de Troie, et s’horrifie de sa vision d’un attentat terroriste à grande échelle qui frappe les installations nucléaires. Elle se remémore les morts de son frère jumeau Hellénos et de sa jeune sœur Polyxène, et perçoit l’horreur sans précédent d’une catastrophe à venir. « Cassandre est traversée par plusieurs voix, du présent et du futur : tantôt elle les profère, tantôt elle est en superposition, tantôt elle est en léger décalage. » En voix off, celle de Clytemnestre, par Christiane Cohendy. C’est l’impressionnante comédienne Sophie Neveu qui porte le rôle de Cassandre avec une rare puissance et une remarquable présence scénique. La folie humaine est sans limite…

Agnès Santi