Théâtre - Entretien

Jean Lambert-wild

Jean Lambert-wild - Critique sortie Théâtre


Qu’est-ce que diriger un théâtre selon vous ?

Jean Lambert-wild :
C’est une question que je me pose au quotidien ! C’est un peu singulier pour moi, en fait. La Comédie de Caen est la maison qui m’a fait naître. Lorsque j’ai eu la révélation, après avoir vu la mise en scène de Langhoff des Trois Sœurs, que le théâtre serait mon seul lieu d’existence au monde, je suis venu à la Comédie de Caen parce que j’avais ouï-dire que Michel Dubois s’intéressait aux auteurs et metteurs en scène allemands. Je lui ai envoyé mes écrits et comprenant le « à l’occasion, Michel Dubois serait disponible pour vous rencontrer » de la réponse comme une invitation pure et simple : j’étais dans le hall du Théâtre d’Hérouville trois jours après avec ma malle ! Pendant un an, je suis resté, j’ai appris le fonctionnement de ce vaisseau et me suis nourri de son esprit de coopérative. C’est aujourd’hui une chance inespérée de revenir et de retrouver les gens qui m’ont formé. Ainsi, je ne sais pas si je peux être directeur de théâtre mais je sais que je peux être directeur de la Comédie de Caen.
 
« Raccorder innovation et tradition, le grand défit de notre génération. »
 
Quel esprit comptez-vous donner à votre mandat ?

J. L.-w. :
Si les gens vont au théâtre, c’est pour se rassembler, pour être à l’écoute d’un rituel singulier. Les motifs ne sont donc pas seulement ceux d’une simple programmation. Diriger un théâtre, c’est poser la question du partage et de ce qui peut nous rassembler. Ce que j’aimerais, c’est que la Comédie de Caen soit un lieu de diversité et ne me ressemble pas, ne soit pas le miroir, l’identique de ce que je suis. Un Centre dramatique n’est pas là pour permette à un artiste d’assouvir son narcissisme. La fonction de directeur consiste à accepter d’être dépossédé. J’aimerais que nous puissions raccorder innovation et tradition, ce qui est le grand défit de notre génération. Depuis longtemps théâtre de la tradition et théâtre de l’innovation s’opposent mais cette opposition est vaine. L’esprit de la modernité est lié à celui de la rupture. Or, je ne crois pas à l’idée de révolution mais à celle d’évolution. Le corps de notre art évolue et il est important de montrer comment cette évolution a lieu. Si on oublie la tradition, l’innovation est absurde puisqu’elle reproduit les artefacts des années précédentes. Les choses sont mises dans des chapelles, des mouvances, des réseaux d’intérêts. Or, ce que je trouve vraiment intéressant, c’est la biodiversité des esprits et la coexistence des genres : l’espace théâtral peut être le lieu de réunion d’artistes qui s’entendent.
 
La Comédie de Caen sera pour vous aussi un espace de création.

J. L.-w. :
Oui, j’ai la chance de pouvoir moi aussi monter mes créations. Je fais partie du convoi, ce que je préfère car ce n’est pas toujours plaisant d’être devant. Mon plus grand désir, moi qui suis profondément amoureux de ce théâtre et de cette équipe, est que la Comédie de Caen reste le lieu que son histoire a fondé. Et puis, truc tout bête, nous nous amusons ici à faire ce que nous y faisons et nous tâchons de traverser les difficultés avec un esprit guilleret. Cette époque attend de nous des effondrements : pour ma part, c’est tout ce que je n’offrirai pas !
 
Propos recueillis par Catherine Robert

La Comédie de Caen, Centre Dramatique National de Normandie, 1, square du Théâtre, 14200 Hérouville Saint-Clair. 02 31 46 27 27. www.comediedecaen.com

Lire aussi la critique Le malheur de job.

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