Itinéraire d’un fils

Qui était Marcel Liebman ?

David Murgia : Brillant professeur d’histoire du socialisme et du communisme à l’Université libre de Bruxelles, auteur d’essais réputés, Marcel Liebman est né en 1929 dans une famille d’origine juive polonaise qui s’installe en Belgique au début du 20^e siècle. Il milita activement pour la cause palestinienne et, malgré sa démarche intellectuelle critique mais rigoureuse, son engagement lui valut d’être qualifié de traître par sa propre communauté, et même d’être menacé. On suit la trajectoire de cet homme à travers le regard de son fils, Henri dit Riton, qui se souvient d’épisodes de son enfance : des scènes familiales, des silhouettes de parents et d’amis, des manifs dans les années 70 ou encore des voitures de police qui cernaient la maison pour les protéger.

A travers l’histoire de ce « renégat », que nous raconte-t-il de notre Histoire, notamment de son refoulé ?

D. M. : Les souvenirs nous font traverser les époques, depuis l’avant-guerre, l’occupation, la shoah, puis le militantisme post-68 jusqu’aux années quatre-vingts. Il rapporte à sa manière les bouleversements du monde et les métamorphoses de l’engagement politique, qui va s’amenuisant au fil du temps. Il montre aussi le courage d’une parole qui va à contre-courant, importante à faire entendre aujourd’hui. Au-delà des évolutions sociétales et des positions politiques, ce récit est aussi une poignante réflexion sur les relations père-fils, quand Riton évoque son propre chemin, à l’opposé de la voie paternelle, du côté du cinéma et du rap. Comment se construire face à cette figure paternelle si imposante…

« Comment se construire face à cette figure paternelle si imposante… »

Comme acteur, vous jouez plutôt dans des spectacles signés collectivement. Comment avez-vous abordé votre rôle de metteur en scène dans Liebman Renegat ?

D. M. : J’ai accompagné Riton dans l’accomplissement de son texte, en l’orientant dans la phase d’écriture, en lui donnant des indications de jeu et en fignolant la création scénique. C’est son histoire. La dramaturgie reste volontairement simple, avec la musique de Philippe Orivel comme axe. Je crois que l’acteur doit être pleinement responsable de son objet, co-créateur du spectacle, et non seulement suivre les consignes d’un metteur en scène.

Entretien réalisé par Gwénola David