Icônes

C’est un « elle » plurielle où miroite une myriade de visages, gravés dans l’Histoire par la force du destin… Des figures féminines fixées à la postérité, poussées par une destinée tumultueuse, souvent chahutées par la vie, parfois même brûlées aux fers du désir, disparues tragiquement mais irradiant pour toujours. De Camille Claudel à Claude Cahun en passant par Mata-Hari, Isadora Duncan, de Virginia Woolf à Janis Joplin, de Marilyn Monroe à Indira Gandhi, Anne-James Chaton crayonne au revers de l’historiographie officielle un récit du XXe siècle à travers les portraits d’une quinzaine de femmes qui ont marqué leur époque et incarnent une certaine idée de la modernité, politique, littéraire ou artistique. « Elles ont toutes transformé le monde, lui ont donné un nouveau timbre, une autre texture. » souligne l’écrivain et performer, qui adapte à la scène son roman Elle regarde passer les gens.

Récit épique

Ces silhouettes pourtant ne sont jamais nommées. On les devine, dans le treillis serré des mots qui débitent leur existence en menus faits par ordre chronologique. Compactant documentation et divers matériaux récupérés (listes, tickets de caisse, articles de presse), la prose itérative du poète élague au scalpel leur trajectoire pour en extraire l’âme et taille les contours des époques traversées. La Grande Guerre, Les années folles, la Grande dépression, la libération, la décolonisation, jusqu’au tournant du siècle dernier, se dessinent ainsi en toile de fond. La mémoire collective fait alors son œuvre pour relier les constellations disséminées autour de la narration centrale. L’émotion perle peu à peu de cette litanie tranchante, portée en trois temps par des artistes de forte trempe : la circassienne Phia Ménard, le danseur François Chaignaud puis le chanteur Nosfell en duo avec Anne-James Chaton. Ni concert, ni performance, Icônes ouvre un espace visuel et sonore de perceptions qui fait résonner les sens pour donner la vibration intérieure de ces héroïnes insoumises.

Gwénola David