Les Enfants terribles de la co[opéra]tive

Chaque œuvre de Philip Glass s’apparente à un voyage : immersion dans un temps infini (Einstein on the Beach), parcours d’une vie (Satyagraha, The Perfect American), traversée d’un territoire (Hydrogen Jukebox)… et toujours cette impression, créée par la musique même, ses boucles, ses variations infimes, de voir en chemin se transformer le paysage. C’est peut-être pour cela que la rencontre du compositeur avec l’œuvre de Jean Cocteau est particulièrement féconde : chez lui aussi, les personnages – du Thomas de Thomas l’imposteur au Michel des Parents terribles – traversent le monde en oblique et le recomposent à leur fantaisie.

De la chambre aux rêves

Dans Les Enfants terribles (1996), la musique de Philip Glass, confiée à trois pianos qui trament un canevas sonore hallucinatoire ininterrompu, est le support de scènes de la vie des inséparables frère et sœur, qu’elle éclaire d’une couleur différente selon qu’ils se trouvent à l’extérieur ou dans la chambre qui est leur véritable monde, mais aussi le support de leurs rêveries, cette utopie qui naît de leur imagination et que ne peut dire aucun mot – la musique seule, donc. Il revient à Phia Ménard, habituée avec la Compagnie Non Nova à bousculer les attentes, de glisser entre ces lieux, et de l’innocence au tragique, en s’appuyant sur une belle distribution, dont les très polyvalents Olivier Naveau et Mélodie Boisvert dans les rôles de Paul et Élisabeth, et Ingrid Perruche dans celui, double, de Dargelos et Agathe.

Jean-Guillaume Lebrun