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HOMMAGE A HENRI DUTILLEUX

HOMMAGE A HENRI DUTILLEUX - Critique sortie Classique / Opéra


« Quand j’écris de la musique, la notion d’âge n’a plus du tout de sens. Je peux même dire que je me sens plus jeune qu’avant. »

Vous sentez-vous avoir l’âge que vous avez quand on est, comme c’est votre cas, entièrement tourné vers le travail et la création ?

Henri Dutilleux : Non. Mais les problèmes physiques comptent beaucoup. Pour moi, tout est devenu plus lent. J’ai beaucoup de problèmes aux jambes et ma vue est nettement moins bonne. Je ne vois pratiquement que d’un œil. La dimension écrite est tellement importante pour moi… Heureusement, ce qui marche encore, c’est l’oreille. J’entends bien. Pour le reste, quand j’écris de la musique, la notion d’âge n’a plus du tout de sens. Et là, je peux même dire que je me sens plus jeune qu’avant. Je me sens plus vrai. Je me pose moins de questions. Pour beaucoup de choses, je vois certainement plus clair qu’il y a trente ans.

Avec les années, vous avez gagné une forme de liberté et de jeunesse dans la façon d’aborder la composition…

Henri Dutilleux : Je le crois. C’est inexplicable. J’ai pu assister à de nombreux mouvements artistiques différents depuis 50 ans, auxquels j’ai été assez attentifs, même si je n’ai pas participé par exemple au mouvement sériel…  Mais j’ai découvert des choses que je n’aurais pas pu trouver sans ce mouvement. Il m’a permis de me remettre en question. J’étais très loin du sérialisme et pendant longtemps, pour cette raison, on m’a ignoré dans le domaine de l’avant-garde. Je n’ai pas été d’avant-garde et je le regrette d’ailleurs… Evidemment, au début de mes travaux, je comprends très bien qu’on ne se soit pas intéressé à ce que je faisais… Mais j’ai fait tout de même des progrès ! (rires). Quand on est très jeune, il ne faut pas se contenter d’écrire des choses belles et d’aimer le passé. Il faut faire attention : il faut aimer le passé mais à un moment il faut aussi savoir « tuer le père ». Et cela a été tout de même un problème pour moi. D’autres musiciens, je pense à Messiaen, ont trouvé plus vite que moi leur vrai langage. Pour moi, cela a été plus long… C’est peut-être parce que, brillant élève de contrepoint, de fugue et d’harmonie, on ne m’a pas assez dit : « Maintenant, cherchez votre vrai langage ». Mais il ne faut pas regretter…

Vous êtes naturellement très sollicité par des jeunes compositeurs. Que leur dites-vous ?

Henri Dutilleux : Je reçois un ou deux disques par semaine, d’interprètes de mes œuvres ou de compositeurs. Quand je peux trouver le temps d’aller jusqu’au fond et d’écouter plusieurs fois – parce qu’il faut écouter plusieurs fois la musique nouvelle : elle se déroule dans le temps et l’on ne peut saisir certaines choses que si on écoute plusieurs fois, par des effets de mémoire, de prémonition… -, alors je leur dis le plus souvent : « N’hésitez pas à prendre des risques ! ». Je l’ai remarqué assez souvent : les œuvres que j’ai écrites et qui me laissent le moins de regrets sont celles pour lesquelles j’ai pris le plus de risques. C’est une chose à laquelle il faut penser. Et ne pas non plus oublier le goût du jeu…

Il y a le mot « temps », dans deux de vos œuvres les plus récentes ( « Le Temps l’horloge », « The Shadows of Time »). Comment définiriez-vous votre rapport au temps qui passe ?

Henri Dutilleux : Comme de plus en plus important. Jamais je n’ai senti à ce point la fuite du temps. Plus ça va et plus on s’aperçoit de ce phénomène… Et au bout d’un moment, c’est affolant. Il faut que je me défende… Cela me rend nerveux si je ne peux pas accomplir chaque jour ce que j’ai à faire.

En même temps, votre impatience révèle un formidable appétit de vivre et de vous exprimer…

Henri Dutilleux : Oui. Et de connaître de nouvelles choses. En même temps, j’ai la réputation d’être quelqu’un de lent. Un docteur m’a dit un jour que j’avais le cœur lent et que j’aurais une longue vie… D’ailleurs, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu arriver jusque-là…

Propos recueillis par Jean-Luc Caradec. Mars 2008.

 

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