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Ils sont cinq : Alfred, Marjorie, Harry, Jack et Katleen. Cinq individus qui partagent le même quotidien, qui vont et viennent, s’assoient au soleil, se lèvent, partent se promener, reviennent, cherchent une chaise, se séparent et se rejoignent, parlent de choses et d’autres – du temps qu’il fait ou qu’il fera, de leurs proches, de leur passé, des leurs habitudes, des attitudes de celles et ceux qui vivent à leurs côtés dans cette maison pas comme les autres… Tout cela comme pour tuer le temps. Comme pour consolider une existence aux contours vagues et incertains, pour contrarier l’extension d’un vide qui menace. Car le vide est omniprésent dans Home. Le vide de regards qui fuient, qui s’égarent. Le vide de longues parenthèses de silence, de discours de circonstance alimentés par les petits riens de la vie. Le vide, aussi, et peut-être surtout, de tout ce qui échappe aux mots et aux situations, mais palpite de façon obsédante au cœur du texte elliptique de David Storey.

Un quintette d’acteurs d’une exigence rare

L’écrivain anglais (né en 1933, auteur de théâtre, mais également romancier, poète et scénariste) procède par contrepoints et mouvements d’évitement. Plutôt que d’entrer de plain-pied dans la matière de cette réflexion sur l’isolement, le déséquilibre, la marginalité, il reste perpétuellement en deçà de son sujet, comme à distance des perspectives que les propos de ses personnages délimitent. Le résultat est d’une acuité étonnante. Situant sa mise en scène au plus près du texte, Chantal Morel offre une formidable caisse de résonance à cette acuité. Elle crée une représentation d’un dépouillement radical, une représentation qui donne à entendre toutes les nuances, tous les non-dits, toute la vigueur de Home. Rien de tout cela ne serait bien sûr possible sans le talent de Nicolas Cartier, Maryline Even, Jean-Jacques Le Vessier, Rémi Rauzier et Line Wiblé (qui compose une partition saisissante, dans le rôle de Katleen). Ces cinq acteurs font preuve d’une exigence rare. A travers leur finesse, leur sensibilité, c’est toute la profondeur de leur personnage qui nous parvient et qui nous touche. Une profondeur qui nous mène sur les chemins du rire, de la tendresse, du trouble et de la gravité.

Manuel Piolat Soleymat       


Home, de David Storey (texte français de Marguerite Duras, publié aux éditions Gallimard) ; mise en scène de Chantal Morel. Du 16 mars au 8 avril 2012. Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 16h, relâche le lundi. Théâtre Nanterre-Amandiers, 7, avenue Pablo-Picasso, 92022 Nanterre. Tél : 01 46 14 70 00. Durée : 1h40.

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