Théâtre - Critique

Macbeth

Macbeth - Critique sortie Théâtre


Désir conscient et volonté prête à tout ou soif inextinguible et absurde, dont l’inflation conduit à la folie et à la mort ? Le pouvoir est un sujet fascinant, qui supporte toutes les analyses et toutes les lectures : ceux qui y aspirent peuvent apparaître comme des pervers glaçants ou des pantins pitoyables. Laurent Pelly installe Macbeth en un labyrinthe angoissant et choisit une lecture ubuesque du personnage, avouant qu’il a décidé de mettre en scène la pièce de Shakespeare après avoir renoncé à monter celle de Jarry. Des murs de parpaings dessinent le dédale, dans lequel erre le guerrier valeureux, devenu tyran sanguinaire. Les différentes scènes offrent autant de points de vue sur la tragédie : quel que soit l’angle considéré, l’issue est fatale ; quel que soit le point d’avancée dans le labyrinthe, la mort est embusquée, dévorant ses victimes avec l’affreux appétit d’un Minotaure insatiable. La scénographie et les costumes imaginés par Laurent Pelly, les lumières de Michel Le Borgne, le son d’Aline Loustalot s’harmonisent en une magistrale composition et exposent avec une rare force de suggestion le cauchemar de Macbeth.

Leçon de ténèbres

Des tableaux sidérants et fascinants se succèdent (il faut saluer la remarquable vélocité technique qui permet des changements de décor incroyablement rapides). Les sorcières, qui empruntent leurs traits à celles du sabbat volant de Goya, apparaissent et disparaissent comme par magie, et provoquent l’effroi en même temps que le rire, qui en est l’antidote. Le délire vestimentaire des harpies maléfiques, dont les prédictions guident la main meurtrière et le destin de Macbeth, est contrebalancé par la sobre élégance, avec laquelle avancent les protagonistes de la tragédie. Marie-Sophie Ferdane a la distinction d’une beauté fatale, de celle pour laquelle tout bouillonnant guerrier pourrait vouloir mourir ou tuer. La comédienne excelle dans ce rôle de conseillère odieuse, et sait devenir poignante de fragilité dans la scène où la raison l’abandonne. Thierry Hancisse, face à elle, apparaît comme un Macbeth plus brutal que fin politique, et son interprétation nuance efficacement les états d’âme de ce pantin malheureux. Plus faibles et moins immédiatement efficaces, les scènes chorales, notamment dans la deuxième partie du spectacle, diluent l’intensité dramatique de l’ensemble. Reste que ce spectacle est une telle réussite esthétique qu’il imprime dans la mémoire des images indélébiles, fortes, belles et puissamment terrifiantes.

Catherine Robert


Macbeth, de William Shakespeare ; mise en scène de Laurent Pelly. Durée : 3h. Spectacle vu au TNT, à Toulouse. En tournée durant la saison 2012-2013. Renseignements sur www.tnt-cite.com

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