Théâtre - Critique

Frédérique Lazarini et les siens créent « Le Cid » : une mise en scène condensée, limpide et vibrante

Frédérique Lazarini et les siens créent « Le Cid » : une mise en scène condensée, limpide et vibrante - Critique sortie Théâtre Paris Artistic Théâtre


Artistic Théâtre / texte de Corneille / adaptation et mise en scène Frédérique Lazarini

L’épée est plus forte que la plume, plus impérieuse que l’amour : voilà la ligne de force de l’élégante mise en scène de Frédérique Lazarini, exprimant le cœur d’un éternel tragique qui malgré un dénouement relativement heureux emporte les personnages dans un cycle de vengeance, de vendetta emplie d’injonctions liées à l’honneur et aux liens du sang. Rappelons que dans les années 1620 le Roi Louis XIII et Richelieu se sont employés à interdire les duels si fréquents qu’ils décimaient les rangs des jeunes aristocrates ! Force est de constater de manière déprimante qu’à toute époque la fatalité guerrière s’empare des sociétés humaines, qui ont tant besoin de sages gouvernants… Joué souvent l’épée à la main, ce Cid resserré (sans l’infante et sa suite ni les gentilhommes castillans) condense l’affrontement entre les élans de la passion amoureuse et le sens du devoir de manière limpide et implacable. Depuis les roses blanches du mariage jusqu’au voile noir du deuil pèsent et s’imposent les héritages, le pouvoir et la fureur vengeresse des pères. Celui de Chimène, Don Gomes, fulminant de ne pas avoir été choisi comme précepteur du jeune prince, gifle celui de Rodrigue, le vieux Don Diègue, qui a eu la faveur du Roi pour instruire l’enfant – ici une marionnette astucieusement manipulée par son nouvel éducateur. Pour laver l’affront, ce dernier intime à son fils de le venger. « Trahir ma flamme ou vivre en infâme : des deux côtés mon mal est infini » se désole Rodrigue.

Une humanité déchirée

Avec la maîtrise et la clarté qu’on lui connaît, Cédric Colas interprète à la fois le Roi, dans une hauteur de vue qui fait mouche, et Don Gomes, avec cette assurance guerrière des hommes bien nés voués à conquérir. Philippe Lebas incarne avec finesse le vieux Don Diègue, égoïstement et tout entier dévolu à réparer l’outrage qu’il a subi. Guillaume Veyre interprète El Vire, ici figure masculine apaisante et mesurée. Quentin Gratias est parfait en malheureux Don Sanche. Arthur Guézennec fait vivre un Rodrigue touchant, intense et nuancé. Unique figure féminine, Lara Tavella, frêle et juvénile Chimène déchirée entre honneur et amour, à la fois fragile et déterminée, dessine et affûtera au fil des représentations les contours  contrastés de son personnage si humain. L’écrin scénographique de François Cabanat, dont un beau fond de scène d’inspiration maritime, ainsi que la musique et les sons de François Peyrony accompagnent le cheminement de l’intrigue avec subtilité. C’est un plaisir de retrouver dans cette mise en scène ciselée ces vers familiers d’une immortelle beauté, et si profondément vivants.

Agnès Santi

A propos de l'événement


Le Cid
du lundi 29 janvier 2024 au dimanche 31 mars 2024
Artistic Théâtre
45 rue Richard Lenoir, 75011 Paris

mardi à 20h, mercredi à 17h, jeudi à 19h, vendredi et samedi à 20h30, samedi à 17h et dimanche à 16h. Tél : 01 43 56 38 32. Durée : 1h30.


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