Une Passion selon Saint-Jean théâtrale par l’Ensemble Il Caravaggio

Les Passions de Bach ont beau ne pas relever à proprement parler de l’opéra, elles déploient une expressivité et un sens du drame hautement théâtraux. Après un début imprévu dans l’ouvrage, lors de son remplacement au pied levé de Marta Gardolinska à la tête de l’Orchestre de chambre de Paris au Festival de Saint-Denis en juin dernier, Camille Delaforge dirige sa première Saint-Jean BWV 245, avec Il Caravaggio. « C’est une étape importante dans la vie d’un ensemble comme le nôtre, que l’on ne peut jouer qu’une fois une identité sonore bien établie. Une telle œuvre, aussi connue, est dans la tête de tous les musiciens, et il faut que chacun puisse s’affranchir de ses habitudes pour servir de manière personnelle la partition, sans courir après une nouveauté gratuite et artificielle. »

Une interprétation incarnée

La cheffe française choisit une version pour grand effectif orchestral, avec instruments d’époque, incluant viole d’amour et théorbe, ainsi qu’un chœur à 24, confié à Accentus. La distribution vocale réunit Marie Lys, Marie-Nicole Lemieux et Cyrille Dubois, avec lesquels Il Caravaggio collabore pour la première fois, ainsi que des fidèles de l’ensemble, Guilhem Worms et Mathieu Gourlet. Camille Delaforge « aime travailler avec des artistes polyvalents dans les répertoires », et « souhaite mettre l’accent sur la dimension théâtrale. C’est une manière d’humaniser la narration. Le théâtre est régulièrement présent dans la liturgie, quelles que soient les époques. » Dans cette logique d’une interprétation incarnée, qui demande d’« avoir vécu la partition sur scène, avec un public, pour trouver la dynamique juste du récit », l’enregistrement, pour Alpha Classics, se fera à la suite des concerts, comme pour tous les disques de l’ensemble Il Caravaggio.

Gilles Charlassier