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Marie Ythier, une violoncelliste engagée dans la création contemporaine

entretien / Marie Ythier
Publié le 24 mai 2023 - N° 311Artiste curieuse de création contemporaine et de passerelles entre les répertoires, Marie Ythier prépare avec la pianiste Maroussia Gentet un programme associant la première d’une commande à Sungwon Chin, les Fünf Stücke in Volkston op. 102 de Schumann et la Sonate en do majeur op. 119 de Prokofiev. La violoncelliste française revient sur la gestation de ce projet, sur sa manière d’aborder la musique, en particulier celle d’aujourd’hui, ainsi que sur son prochain disque réunissant les concertos que lui ont écrits Bastien David et Augustin Braud, une gravure live en septembre à Royaumont où elle est artiste en résidence.
Comment est né le projet de concert en sonate avec Maroussia Gentet?
Marie Ythier : Il y a une dizaine d’années, j’ai commencé à m’interroger sur le répertoire pour violoncelle et piano en constatant, lors des concerts, qu’il m’était difficile de proposer des pièces récentes pour nos deux instruments, tant il y en avait peu et tant cette alliance était connotée romantique par le milieu de la musique contemporaine. L’intention de développer un répertoire de création pour cette formation a donc germé en moi. C’est en retrouvant Maroussia Gentet, avec qui j’avais fait mes études au CNSM et je partage un parcours et des choix de carrière proches, que cette envie a pu se concrétiser.
Quelles sont les particularités de la préparation d’un concert avec une œuvre nouvelle ?
M.Y. : Pour les créations et les pièces très récentes, il s’agit d’abord de comprendre les intentions, d’écouter les idées et leur « mise en espace sonore », et enfin, de les réaliser et les transmettre. Finalement, c’est exactement la même chose que pour des pièces du répertoire : le travail de l’interprète face à l’œuvre.
Quel regard portez-vous sur la création contemporaine et les expérimentations sur votre instrument ?
M.Y : J’adore explorer les premiers moments de rencontre avec le compositeur, où l’instrument est un laboratoire, l’émerveillement naît d’un étonnement de trouver ensemble de nouvelles choses. Je suis donc plutôt intéressée par les langages avant-gardistes. Cela dit, récemment, j’ai reçu les esquisses de la pièce solo que Matteo Gaulandi m’écrit pour le Festival de Royaumont en septembre 2023. L’écriture est traditionnelle, mais le sens poétique et la clarté de la proposition sont tels que j’ai été immédiatement conquise.
« J’adore explorer les premiers moments de rencontre avec le compositeur, où l’instrument est un laboratoire. »
Comment travaillez-vous avec les compositeurs ?
M.Y. : Les commandes et envies de collaboration naissent toujours d’une réflexion sur là où j’en suis professionnellement et personnellement, sur mon désir sonore, et aussi sur ma perception de l’état du répertoire et du monde musical à ce moment précis. Chaque projet est, je pense, guidé par une nécessité artistique. J’aime découvrir les compositeurs « à l’aveugle », en écoutant leurs œuvres, sans pouvoir mettre un visage sur eux. Dans la pratique, après une rencontre pour parler du projet, vient le temps de celle avec l’instrument. Nous formons alors un trio-laboratoire où j’ai un vrai rôle dans le processus de création. Le compositeur reprend ensuite un chemin plus solitaire et suit le cours de son imaginaire jusqu’à l’arrivée des esquisses, et c’est alors le moment des petits ajustements pour rendre l’application instrumentale et physique de “l’idée“ la plus juste possible.
Parlez-nous de votre projet de disque en septembre…
M.Y. : Ces dernières années, plusieurs compositeurs m’ont écrit des concertos pour violoncelle et orchestre ou ensemble. L’instrument y est abordé de manière soliste, enrobé par un ensemble qui l’accompagne. J’ai souhaité graver ces œuvres nouvelles qui me sont dédiées, autant pour diffuser ces nouveaux imaginaires que pour valoriser le temps, l’intention, la confiance et l’univers sonore que ces créateurs me confient. Ce programme de concertos de Bastien David et Augustin Braud, qui inclut aussi la pièce solo de Matteo Gaulandi, sera donné en septembre avec l’Orchestre national d’Auvergne dirigé par Thomas Zehetmair, Arne Deforce et l’ensemble Sillages dirigé par Gonzalo Bustos, dans le cadre du Festival à la Fondation Royaumont, où je suis artiste en résidence, et enregistré pour le label B records.
Propos recueillis par Gilles Charlassier
A propos de l'événement
Marie YthierProchains concerts le 31 juillet 2023 au Festival Les Nuits d'été en Savoie.
Tél : 06 52 47 55 29. Le 23 septembre 2023 à Royaumont.
Tél : 01 30 35 58 00.