Focus -319-Génération Spedidam : Mathilde Calderini
La flûtiste Mathilde Calderini partage sa passion : « Le rôle du musicien est d’émerveiller »

Rayonnante au sein de l’Orchestre philharmonique de Radio France, la flûtiste Mathilde Calderini, artiste « Génération Spedidam » pour la saison 2022-2024, nommée dans la catégorie « soliste instrumentale » aux Victoires de la Musique classique, sort chez Alpha un beau disque de musique française.
Aux récentes Victoires de la Musique, elle concourait comme avant elle Jean-Pierre Rampal ou Emmanuel Pahud, lauréats en 1992 et en 1998. Mathilde Calderini vit cette mise en lumière comme « une chance : celle de représenter mon instrument, et plus largement toute l’école française des vents ». Cette filiation s’illustre avec le disque (à paraître chez Alpha Classics) enregistré avec le pianiste Aurèle Marthan et consacré à un répertoire français qui reste à redécouvrir : La Fille aux cheveux de lin, de Debussy, la Sonate de Poulenc, mais aussi celle de Mel Bonis (1904), le Concertino de Cécile Chaminade (1902), une création de Lise Borel (née en 1993) et la Sonatine de Claude Arrieu, créée en 1944 par Jean-Pierre Rampal. « Bien sûr, j’aime jouer le grand répertoire, les concertos de Mozart ou la sonate de Poulenc, mais peut-être plus encore communiquer mes coups de cœur. C’est le cas pour Claude Arrieu, une compositrice qui a vécu l’essor de la radio – elle était metteuse en ondes mais fut évincée en 1941 en application des lois antijuives – et a participé à la naissance de la musique concrète au côté de Pierre Schaeffer. Sa Sonatine est magnifique, très lumineuse ; c’est le type même d’œuvre que j’ai envie de faire découvrir. Le rôle du musicien n’est-il pas d’émerveiller ? ». Mathilde Calderini participe ainsi aux enregistrements et concerts de La Boîte à Pépites, qui remet patiemment en lumière les compositrices injustement oubliées, telles Charlotte Sohy (1887-1955) ou Mel Bonis (1858-1937). De cette dernière, elle reprendra le 8 mars, entourée de ses collègues de l’Orchestre philharmonique de Radio France, la superbe Fantaisie-Septuor op. 72 (où dialoguent deux flûtes !), deux ans jour pour jour après l’avoir interprétée au Théâtre des Champs-Élysées dans un concert célébrant deux siècles de musique au féminin.
Enthousiasme partagé
La première flûte solo du Philhar’ souligne l’enrichissement réciproque que lui apportent la pratique des concertos, la musique de chambre et le travail en orchestre. Chaque rencontre avec un chef ou une cheffe d’orchestre est une occasion de changer le regard sur les œuvres interprétées : « Ce que j’attends en premier lieu, c’est qu’il ou elle m’inspire, me fasse ressentir la musique et me surprenne. Un concert symphonique revient à marier deux personnalités fortes : l’orchestre – qui recherche et construit sa propre sonorité, son identité collective – et celui ou celle qui nous dirige. Par exemple, la rencontre avec Jaap van Zweden en novembre a été un coup de foudre absolu : il sait apporter le son qu’il veut tout en tenant compte de qui on est. Il a cette capacité à emmener tout un orchestre, avec autorité certes, mais surtout avec enthousiasme. Son Mahler ne ressemble à aucun autre, sa façon de faire sonner les cordes notamment est impressionnante. Avec une approche que l’on pourrait dire totalement opposée, très intérieure, un chef comme Myung-Whun Chung nous amène lui aussi à le suivre jusqu’au bout de ses propositions. Il y a une infinité d’approches possibles : certains ouvrent un espace de dialogue – c’est le cas par exemple de Jakub Hrůša –, d’autres font évoluer l’interprétation au fur et à mesure des répétitions et nous poussent à nous tenir à l’affût ; ce n’est pas toujours rassurant mais cela crée une énergie, une ambiance. L’essentiel, au fond, tient en une qualité : la passion pour la musique ». Cette passion, Mathilde Calderini la transmet aujourd’hui, en particulier à travers l’Académie de quintette à vents qu’elle anime avec ses partenaires de l’ensemble Ouranos à la Fondation Singer-Polignac – la première édition s’est tenue en décembre. « J’aime ce format, qui permet d’essayer plein de choses et de transmettre, au-delà des techniques, des valeurs et j’oserais même dire de la vie. Il n’est pas rare que nous y découvrions nous aussi des partitions. C’est la vertu de l’enthousiasme partagé ! »
Jean-Guillaume Lebrun
A propos de l'événement
Mathilde CalderiniProchains concerts : à la Maison de la Radio (mars) et avec l’ensemble Ouranos aux festivals de Deauville (27 avril), Le Croisic (12 mai) et Saint-Denis (29 et 30 mai).
Sortie du CD « Avec Elles » (Alpha Classics) fin juin.