Jeanne Brouaye crée « (M)other », fantasmagorie sous le signe de la réparation

« (M)other s’inscrit dans la continuité de mon travail qui se concentre sur nos modes d’existence, l’habitat, avec le désir d’induire des mondes alternatifs. Avec le désir aussi de manipuler de la matière. Pour cette nouvelle création je me suis inspirée de la sociologue Geneviève Pruvost. Dans l’un de ses ouvrages elle rapporte l’histoire de Cristal, une jeune femme qui s’est vu retirer la garde de son enfant au motif qu’elle vivait dans une yourte, la juge aux affaires familiales ayant invoqué l’insalubrité́ du logement. Ce récit m’a touchée par sa portée à la fois politique et intime. La juge, qui incarne les valeurs de notre société, disqualifie le mode de vie de Cristal. Cette disqualification me perturbe, notamment parce que la danseuse Estelle Delcambre, dont je suis proche, vit la même expérience avec succès et le soutien de son entourage.

Une fantasmagorie sous le signe de la réparation

 (M)other s’organise en trois tableaux distincts. Dans le premier, l’histoire de Cristal est racontée en voix off, à la manière d’un conte. Le deuxième tableau s’appelle La conjuration. On y bascule dans une danse qui s’effectue en tenant des mains en plâtre, une façon poétique de rendre justice au besoin ontologique du faire, de valoriser ces modes de vie où prime la relation à la matière. C’est une ronde, une forme chorale composée de cinq interprètes à l’unisson qui a une valeur cathartique. Enfin le troisième tableau, très plastique, s’appelle La maisonnée et fait apparaitre sur le plateau une scène de la vie quotidienne en habitat léger, afin de redonner une valeur à ce qui a été disqualifié. Nous faisons émerger une image déréalisée qui pourrait être une scène fondatrice et porteuse de sens. »

Propos recueillis par Delphine Baffour