Harmoniser l’art et les territoires, rencontre avec Emmanuelle Jouan

Quelle réflexion a présidé à la création de Territoire(s) de la danse en 2008 ?

Emmanuelle Jouan : L’originalité de ce projet était de ne pas vouloir dissocier la création des actions artistiques et d’inventer un autre type de relations, beaucoup plus horizontales, non hiérarchiques, où les attentes et les besoins des artistes, mais aussi des équipes et des habitants, soient pris en compte. Je voulais sortir des processus de commande, pour partir de l’œuvre, de la façon dont les artistes avaient envie de se relier au territoire, pour aller ensuite vers les établissements scolaires, hospitaliers ou pénitentiaires, les associations, etc. Sur les communes de Tremblay, Villepinte, Sevran, nous avons croisé les préoccupations des chorégraphes avec celles de la population, en développant une imprégnation territoriale de la danse pour « faire communauté ». Le tout dans une grande diversité de formats, au théâtre, au Parc de la Poudrerie, lors d’ateliers dehors, dedans, gratuits, payants…

« Nous avons croisé les préoccupations des chorégraphes avec celles de la population. »

Comment choisissez-vous les artistes associés à ce projet ?

E.J. : La sélection des artistes est fondée sur plusieurs critères, notamment la diversité des esthétiques contemporaines, l’équilibre homme-femme, la capacité de l’artiste à s’impliquer dans la vie du territoire et du théâtre.

Comment s’inscrivent les temps forts que vous organisez au sein de  Territoire(s) de la danse ?

E.J. : Dehors Dedans s’étend sur Tremblay et tout le territoire environnant, hyper urbain, mais fait d’anciennes villes boisées, dont il reste des espaces presque ruraux. Pour les habitants, le repère social se trouve au pied de l’immeuble. Nous avons donc voulu joindre nos deux objectifs : la découverte de la danse et celle du territoire dans des parcours chorégraphiques à l’intérieur et l’extérieur du théâtre. D’où Dehors Dedans. La Belle jeunesse est issue d’un long compagnonnage avec le Lycée Blaise Cendrars, et des jeunes qui se sont révélés extraordinairement à l’aise dans leur prise de possession de tous les espaces du théâtre et qui ont fondé leur propre association au sein du TLA. La Belle Scène Saint-Denis désigne notre temps fort avignonnais, nous avons décidé de louer La Parenthèse à Avignon pour que nos artistes aient une meilleure visibilité et une diffusion plus importante. Ces moments particuliers correspondent à notre ADN, soit une attention très fine au tissu urbain de proximité, tout en restant relié au reste du monde. Car le manque de mobilité, réelle, symbolique ou culturelle est un stigmate des banlieues. Avec La Belle Scène Saint-Denis, nous installons le TLA à Avignon avec toute l’équipe, ainsi que des groupes avec lesquels nous travaillons, comme les membres de La Belle Jeunesse qui font le tractage de nos spectacles, des éducateurs, d’autres associations qui découvrent le festival. Cela dans une effervescence, une énergie. C’est comme une carte postale de tout notre travail.

Propos recueillis par Agnès Izrine